À la suite d'une décision de justice, Facebook a, lundi, rendu inaccessible en Turquie plusieurs pages avec un contenu "offensant le prophète Mahomet", rapporte le quotidien américain "New York Times".
En Turquie, Facebook n’est pas vraiment “Charlie”. Le plus important réseau social a accepté, lundi 26 janvier, de rendre inaccessible pour les internautes turcs plusieurs pages relatives au prophète Mahomet, d’après le “New York Times”.
Cette décision, confirmée au quotidien américain par un employé de Facebook sous couvert d’anonymat, fait suite à un ordre d’une cour turque adressé, dimanche soir, à la société californienne. Faute de quoi, la justice turque menaçait d’interdire complètement le réseau social sur tout le territoire.
Plutôt que de risquer d’être totalement banni par le pouvoir islamo-conservateur, Facebook a donc décidé de faire disparaître plusieurs pages, considérés comme “offensant le prophète Mahomet” par les juges. Aucune information n’a cependant été fournie sur le nombre de pages qui ont, ainsi, disparu de la surface turque de Facebook. Rien n’indique non plus s’il s’agit de reproduction des unes de “Charlie Hebdo” consacrées à Mahomet ou d’autres contenus à caractère religieux qui ont heurté la sensibilités des autorités.
Ankara est à cran depuis la sortie de l'édition du journal satirique du 14 janvier, paru une semaine après l'attentat meurtrier qui a décimé une partie de la rédaction. Le gouvernement du Premier ministre Ahmet Davutoglu avait peu apprécié la caricature de Mahomet en une. Cette “insulte au prophète” avait poussé les autorités à faire la chasse à tous ceux qui, en Turquie, avaient osé relayer le message de l’hebdomadaire.
“Facebook plus coopératif que Twitter ou YouTube”
Deux journalistes sont, d'ailleurs, visés par une enquête après la publication dans leur quotidien, Cumhuriyet, des caricatures de “Charlie Hebdo”. Le tribunal de Diyarbakir (sud-est) a, de son côté, interdit la semaine dernière toute diffusion de ces dessins sur Internet.
La pression sur les réseaux sociaux, comme Facebook, semble s'inscrire dans la continuité de ce tour de vis en Turquie à l’encontre de tous les médias qui pourraient être tentés de reproduire des caricatures du prophète. Les autorités ont, en outre, une certaine habitude de censurer ce type de médias.
YouTube et Twitter avaient été bloqués en novembre dernier pour éviter la propagation d’enregistrements pirates de conversations qui auraient pu relier l'actuel président Recep Tayyip Erdogan à une affaire de corruption. Au printemps 2014, le gouvernement avait déjà menacé d’interdire Facebook pour les mêmes raisons.
Facebook n’avait donc que peu de doutes à avoir sur la détermination des autorités à mettre à exécution leurs menaces. Reste que sa décision de céder sans trop résister n’est pas du goût des défenseurs des libertés sur Internet. “Facebook coopère traditionnellement bien mieux avec les autorités turques que Twitter et YouTube”, rappelle au “New York Times” Yaman Akdeniz, un professeur turc de droit de l'Internet. Le quotidien américain souligne, d’ailleurs, que sur 249 demandes des autorités turques pour obtenir des informations sur des utilisateurs de Facebook, le réseau social à répondu favorablement dans environ 60 % des cas.