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Cristina Kirchner a annoncé lundi la refonte des services de renseignement argentins soupçonnés d’avoir joué un rôle dans la mort mystérieuse du procureur Alberto Nisman, qui enquêtait sur l’attentat anti-juif de 1994 à Buenos Aires.
Nouveau rebondissement dans l’affaire de la mort mystérieuse du procureur Alberto Nisman. La présidente argentine Cristina Kirchner a annoncé lundi 26 janvier une profonde refonte des services de renseignement, dont elle accuse certains membres d’avoir joué un rôle dans la disparation du magistrat. Lors d’une allocution télévisée, la chef de l’État a annoncé la dissolution du SI, le principal service de renseignement d'Argentine, et son remplacement par l'Agence fédérale du renseignement.
"Nous devons rendre les services de renseignement plus transparents parce qu'ils n'ont pas servi les intérêts du pays", a expliqué la présidente, assise dans un fauteuil roulant et vêtue de blanc.
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C’est la première fois que la présidente argentine s’exprimait publiquement depuis la mort de Nisman, un événement qui a suscité une vive émotion dans le pays. Le magistrat, en charge depuis dix ans de l'enquête sur l'attentat de la mutuelle juive AMIA en 1994, a été retrouvé mort le 18 janvier, dans son appartement de Buenos Aires. Une mort qui pose beaucoup de problèmes à la présidente. Pour de nombreux Argentins, en effet, Cristina Kirchner n’est pas étrangère à la disparition de Nisman, qui s’apprêtait à faire devant le Congrès des révélations accablantes pour le pouvoir.
Quel genre de révélations ? Nisman accusait Cristina Kirchner d'avoir dissimulé des preuves mettant en cause l’Iran dans l’attentat de la mutuelle israélite AMIA, afin que l’Argentine puisse renouer des relations diplomatiques et commerciales avec Téhéran. La justice argentine soupçonne en effet de hauts responsables iraniens d'être les commanditaires de l'attentat anti-juif, mais n'a jamais pu obtenir leur extradition, réclamée depuis 2006.
"Ils avaient besoin de lui, mort"
Avec cette dissolution des renseignements, Kirchner essaie-t-elle de s’offrir une crédibilité aux yeux de l'opinion publique ? Les médias argentins l’avait accusée d’avoir privilégié la thèse du suicide avant même que l’enquête ne commence. Les premiers éléments suggèrent que le procureur s'est donné la mort avec un pistolet de calibre 22 mm, mais l'absence de résidus de poudre sur les mains de Nisman a semé le doute et de nombreux Argentins croient à un assassinat.
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Jeudi, face au tollé provoqué par sa déclaration, la présidente a fait volte-face. Exit la théorie du suicide, elle a dénoncé un complot d’anciens agents du SI. "Le suicide […] n'a pas été un suicide (...) Ils l'ont utilisé vivant et ensuite, ils avaient besoin de lui, mort. C'est triste et terrible", a-t-elle déclaré.
En décembre, Cristina Kirchner avait déjà congédié les trois principaux dirigeants du SI, soupçonnés de fuites et de manque de loyauté, un séisme dans le monde du renseignement. Le SI dispose d'un pouvoir important et d'une large autonomie qu'il a acquise lors de la "sale guerre", menée sous la dictature militaire entre 1976 et 1983, lorsqu'il espionnait les rebelles marxistes, les syndicalistes et les membres de partis de gauche.
Plus de 20 ans après l’attentat de la mutuelle juive Amia, pas une seule personne n’a été condamnée."Nous voulons une enquête en profondeur sur la mort de Nisman, il emporte avec lui de nombreuses informations sur le dossier AMIA", a déclaré Ariel Cohen, membre du directoire de l'AMIA.
Avec AFP et Reuters