
En racontant l’histoire d’employés d’un magasin à bas prix qui ouvrent leur boutique clandestine, "Discount" lorgne clairement vers la comédie sociale à la Ken Loach. Sans parvenir réellement à l'atteindre.
Chaque mardi, France 24 se penche sur deux films qui sortent en salles. Cette semaine, la comédie sociale française "Discount" de Louis-Julien Petit, et le drame américain "Foxcatcher" de Bennett Miller.
Il faut se rendre à l’évidence : la comédie populaire française est en pleine crise d’identité. Depuis que Louis de Funès a quitté les écrans, que les potacheries franchouillardes du type "Les Bidasses chez les nudistes en folie" sont passées de mode et que la troupe du Splendid ne fait plus beaucoup rire (cf. le troisième et dispensable opus des "Bronzés"), le genre n’en finit plus de se chercher.
Et comme il peine à se trouver (hormis chez une poignée de réalisateurs comme Pierre Salvadori ou Bruno Dumont, dont le récent "P’tit Quinquin" fait figure d’ovni burlesque dans le paysage cinématographique français), c’est tout naturellement à la source anglo-saxonne qu’il s’en va s’abreuver. Abondamment.
Les choses sont on ne peut plus claires et cloisonnées. Pour produire une comédie romantique à succès, on s’inspirera des Américains, les maîtres en la matière. En ce qui concerne la comédie sociale, on empruntera aux Britanniques, les spécialistes du genre.
Manque de charisme et de rythme
"Discount" de Louis-Julien Petit fait partie de la deuxième catégorie. Il se passe dans une région désindustrialisée, en l’occurrence le nord de la France, et suit les mésaventures de travailleurs précaires qui se lancent dans une folle entreprise pour sauvegarder leur dignité. Gilles, Christiane, Albert, Emma et Momo sont salariés d’un "hard discount" qui s’apprête à les remplacer par des caisses automatiques. Sous-payée et bientôt virée, la petite bande décide de récupérer les produits du magasin voués au rebut pour les vendre clandestinement dans leur propre échoppe à bas prix.
On pense aux chômeurs strip-teasers de "Full Monty" et aux paumés de la classe ouvrière que Ken Loach a mis en scène dans "Looking for Eric" ou, plus récemment, dans "La Part des anges". Problème : contrairement à leurs modèles, les personnages de "Discount" manquent cruellement de charisme. Et le récit de rythme. Difficile en effet de trouver le bon tempo lorsqu’on zigzague entre la décontraction de la comédie bon enfant et la gravité d’une réalité sociale à haute teneur lacrymale.
Avec "Discount", je positive
Mais peu importe le hiatus. Le film de Louis-Julien Petit est une comédie qui fait du bien, veut nous faire croire la campagne promotionnelle du film, un remède à la morosité, une ode à la solidarité, un "feel good movie" salvateur en ces temps de crise et de repli sur soi. Avec "Discount", je positive. La France a-t-elle tant besoin de se rassurer pour que la moindre de ses productions cinématographiques véhiculant un message positif doive être présentée comme un acte citoyen ?
Le sous-texte marketing ne rend en tous cas pas toujours service au film qui parvient, néanmoins, à contourner plusieurs écueils du genre. En cela, le portrait de la patronne du "hard discount", incarnée par Zabou Breitman, constitue une réussite. Présentée tour à tour comme bourreau et victime du cynisme de la grande distribution, cette quinquagénaire célibataire privée de vie sociale et amoureuse ne remettra finalement jamais en cause sa position pour sauver celle des autres. Alors qu’affleure un sentiment de compassion à son égard, celle-ci le rejette. Par ce personnage, "Discount" touche alors quelque chose d’un peu plus profond que ce qu’on a voulu nous laisser croire.
-"Discount" de Louis-Julien Petit, avec Olivier Barthélémy, Corinne Masiero, Zabou Breitman, Pascal Demolon, Sarah Suco… (1h45)