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À Paris, la gauche de la gauche main dans la main au meeting pro-Syriza

Le Front de gauche, le PC, les Verts et quelques frondeurs du PS ont fait front commun lundi soir à Paris lors d’un rassemblement de soutien à Syriza, le parti grec anti-austérité donné favori aux législatives anticipées du 25 janvier.

Il est un sujet qui, en ces temps de luttes intestines dans la grande famille de la gauche de la gauche française, met tout le monde d’accord. Ce dénominateur commun, qui est pourtant sans rapport avec la politique hexagonale – et c’est bien là l’exploit ! – se nomme Syriza.

C’est bien ce parti de la gauche radicale grecque encore inconnu il y a cinq ans, et donné favori des élections législatives anticipées du 25 janvier, qui a réussi le tour de force d'avoir réuni, lundi 19 janvier, dans un même lieu – le gymnase Japy, situé dans le XIe arrondissement parisien - plusieurs meilleurs ennemis : Pierre Laurent, le secrétaire général du Parti communiste, Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de gauche, Cécile Duflot, ancienne ministre Europe Écologie Les Verts , et quelques frondeurs du PS, comme Guillaume Balas.

Main dans la main – ou presque – la gauche de la gauche française a fait front commun sur l’estrade pour soutenir, à travers plusieurs diatribes contre la "stupide politique néolibérale", le chef de Syriza, Alexis Tsipras. Tous ont critiqué les exigences irréalisables de la troïka (FMI, BCE, Union européenne) sur le remboursement de la dette grecque, tous ont fustigé les diktats "sauvages" du marché, tous, enfin, ont misé sur le ras-le-bol des peuples européens face à un "capitalisme meurtrier".

"Enfin, une victoire du peuple est possible !", s'est écrié Pierre Laurent, provoquant une salve d’applaudissements dans la salle. "Il faut rompre avec notre vieux monde pourri. Gloire à notre camarade Tsipras", a clamé de son côté Jean-Luc Mélenchon, dont l’apparition a provoqué une hystérie chez les journalistes qui ont fondu sur lui. "Il nous faut une réorientation nette et vigoureuse de la politique européenne. Nous voulons une autre politique en Europe, comme nous voulons une autre politique en France", a insisté, de son côté, Cécile Duflot.

Jusqu’à 21h30, les politiques français ont donc esquissé l’idée d’un avenir possible entre la faucille, le rose, et le vert. Et cette mobilisation trans-partisane a su convaincre l'auditoire. Les centaines de personnes présentes ont applaudi à tout rompre chacun des intervenants, sans jamais siffler aucun d’entre eux. Tout s’est déroulé dans une ambiance plutôt bon enfant depuis les premiers rangs jusqu’au stand "selfie anti-troïka", installé dans le fond de la salle.

"Nous sommes tous ici dans un même devoir de solidarité"

Tandis que les plus militants ont agité, deux heures durant, leurs drapeaux rouge, rose ou vert devant la scène, les moins attentifs ont discuté autour des stands installés à l’entrée du gymnase où se vendaient pêle-mêle pin’s, drapeaux du PC et du Front de gauche, tee-shirts anti-austérité, romans contre les "prêts toxiques" et contre la "bancocratie" ou encore brassards "Je suis Charlie". Même les paniers de basket du gymnase se sont joints à cette fraternité politique d’un soir, en se transformant, pour l’occasion, en porte-drapeaux associatifs, communiste et socialiste.

"Nous ne sommes pas dupes, il y a beaucoup de dissensions entre tous ces partis", confie Anne, la cinquantaine, militante au PC depuis 20 ans. Mais nous sommes tous ici dans un même devoir de solidarité. Nous voulons dire que nous ne sommes pas d’accord face à ces atteintes des droits humains, face à ces dérèglements économiques".

Cette rhétorique d’unité, pourtant, ne convainc pas des dizaines de militants partis prendre l’air ou chercher un café devant l’entrée du bâtiment parisien. À l’image de Michel, militant communiste qui ne croit pas vraiment à ce grand rassemblement fraternel du moment. "Arlette [Laguiller], j'aurais bien voulu, la LCR [ligue communiste révolutionnaire], j'aurais bien voulu, mais elle, non !", s’agace-t-il en désignant Cécile Duflot, qui vient de prendre la parole. "J’aimerais bien croire qu’à l’avenir, l’extrême gauche française puisse s’unir pour lutter contre les banques et la toute-puissance du capitalisme. J’aimerais bien croire que ce qui se passe en Grèce va arriver en France, mais je n’y crois pas. Enfin, pas en l'état et pas avant plusieurs années", conclut-il en boutonnant son imperméable, dont le revers droit laisse apparaître des pin’s du PC et du PS accrochés côte-à-côte.