Quatre jours après le drame de "Charlie Hebdo", un million et demi de manifestants enthousiastes se sont dressés "comme un seul homme", le temps d’une marche sans précédent dans la capitale française. Reportage dans les rues de Paris.
C’est une vague de chaleur humaine qui s’est déversée dans Paris, dimanche 11 janvier, lors de la marche républicaine. Quatre jours après l’attaque meurtrière des locaux de "Charlie Hebdo", les larmes ont laissé place à un optimisme chevronné. Ils étaient un million et demi dans les rues de la capitale, affichant des sourires et une bonne humeur à toute épreuve.
"Cette manifestation est historique. Il y aura un avant et un après 'Charlie'", assure Jeanne Di Meglio, 56 ans, une ancienne journaliste "forcément très attachée à la liberté d’expression". Les chiffres lui donnent raison : il s'agit du plus gros rassemblement jamais enregistré à Paris.
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Comme une réaction à un traumatisme collectif, les manifestants rappellent leur attachement aux valeurs de la France, entonnant de nombreuses "Marseillaise" et scandant fièrement "liberté, égalité, fraternité", certains ajoutant "laïcité". Une fierté d’autant plus exacerbée qu’une cinquantaine de chefs d'État et de gouvernement étrangers ont grossi les rangs du cortège, faisant de Paris le centre du monde pour un jour.
"Électrochoc"
"Je suis fière de voir autant de personnes réunies, ça me donne la pêche", lance Sophie Allemand, 44 ans, brandissant une pancarte en mémoire de Voltaire. "C’est magnifique que tous ces chefs d’État soient présents. Cela prouve que notre lutte pour la liberté d’expression et contre la barbarie est universelle. Et puis, cela pourrait faire bouger les lignes, certains chefs d’État seront peut-être, eux aussi, touchés par la foule", lance-t-elle, en référence aux controverses liées à certains invités de la marche, comme le Premier ministre turc Ahmet Davutoğlu ou le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.
À ses côtés, Marine Brun-Pouvreau, venue avec ses deux enfants, parle elle des événements tragiques de ces derniers jours comme d’un "électrochoc pour le monde entier".
Cette décharge a permis de révéler le danger que représentent les amalgames, estime, pour sa part, Idrissa Sangaré, dit Laurent, un Malien musulman résidant en France. "Nous avons tous été choqués par ce qu’il s’est passé : noirs, blancs, habitants du Nord, du Sud", explique-t-il, au son des hélicoptères tournoyant dans le ciel. Il précise que la France a été touchée au cœur par les mêmes jihadistes qui ont essayé de bâillonner le Nord-Mali, deux ans jour pour jour après le début de l’opération Serval. "Cette tragédie a soudé les Français et le monde entier comme un seul homme", lance-t-il.
Les policiers acclamés
Tout au long du parcours ultrasécurisé, des policiers vêtus de noir et cagoulés recoivent des applaudissements. L'un d'eux, droit comme un "i" sur le toit d’un immeuble, contemplant la foule tel un justicier, récolte une salve de "merci". "Ils ont vraiment fait du bon travail, il faut le reconnaître", déclare un manifestant emmitouflé dans un drapeau français. "C’est une situation inédite pour les forces de l'ordre", glisse-t-on néanmoins dans le cortège, "demain, ce sera peut-être différent".
Demain, justement, la manifestation sera terminée et Marie, venue spécialement de Montpellier, doute de la durée de ce sentiment de ferveur collective. "Aujourd’hui, on est tous dans l’euphorie, mais ça peut vite se refermer. Personne ne nous a parlé de solutions concrètes."