Depuis 1983, aux États-Unis, les homosexuels et bisexuels masculins n'ont pas le droit de donner leur sang. L'Agence américaine des médicaments (FDA) envisage d'assouplir cette interdiction. Un projet qui ne fait pas l'unanimité.
Les États-Unis veulent lever l'interdiction à vie imposée depuis 1983 aux homosexuels et bi-sexuels masculins de donner leur sang. Mais cette mesure s’accompagne d’une condition sine qua non : n’avoir eu aucun rapport sexuel depuis un an.
L'Agence des médicaments (FDA) "va prendre les mesures nécessaires pour recommander un changement de l'interdiction actuelle faite aux hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes de donner leur sang si leur dernier rapport remonte à un an", a indiqué mardi 23 décembre sa directrice, la Dr Margaret Hamburg, dans un communiqué.
La FDA devrait publier début 2015 un projet de recommandation pour œuvrer en faveur de ce changement de politique, qui sera ensuite soumis aux commentaires des parties prenantes avant sa finalisation. Impossible pour l’heure de savoir quand précisément cette nouvelle réglementation pourrait entrer en vigueur.
Cette initiative intervient après la multiplication des appels émanant des milieux médicaux, de groupes gays et même d'élus du Congrès américain qui jugent cette interdiction discriminatoire et sans fondement scientifique. "C'est une grande victoire pour les droits civiques des gays", a réagi Glenn Cohen, un professeur de droit à l'Université de Harvard, spécialisé en bioéthique. "Nous abandonnons l'ancienne croyance selon laquelle tous les homosexuels sont une source potentielle d'infection".
Dans un éditorial publié par le Journal of the American Medical Association (JAMA), Glenn Cohen a estimé que les États-Unis étaient en retard sur cette question par rapport à beaucoup d'autres pays. Il citait notamment l'Australie, le Japon et le Royaume-Uni qui ont déjà adopté une disposition similaire. En France, le don du sang reste interdit aux hommes ayant eu ou ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.
"L’abstinence pendant un an revient à une interdiction à vie"
Reste que certaines voix s’élèvent contre ce projet jugé hypocrite. "Certains pourraient penser qu'il s'agit d'un progrès mais en réalité exiger l'abstinence pendant un an revient de facto à une interdiction à vie" de donner son sang, estime Gay Men's Health Crisis (GMHC), une association new-yorkaise d'aide aux homosexuels dans un communiqué publié sur son site internet.
GMHC demande à la FDA d'appliquer un système "basé sur le risque présenté par le donneur de sang, quels que soient son orientation sexuelle ou son sexe, et de cesser de perpétuer la stigmatisation et la discrimination des gays alimentée par l'épidémie du sida". Un avis partagé par le Dr Raymond Martins, responsable médical de Whitman-Walker Health, un centre de soins et d'aide aux gays et lesbiennes de Washington. L'assouplissement de cette interdiction "va encore empêcher un grand nombre d'homosexuels de donner leur sang", a indiqué ce dernier dans un communiqué.
D’autres militants, plus conservateurs, s’opposent aussi à ce projet s’inquiétant du manque de garantie concernant l'absence totale de risque de contamination. "A moins de prouver scientifiquement qu'un assouplissement en matière de dons de sang n'entraînera aucun risque, il ne faut pas modifier la politique actuelle, car même un léger accroissement du risque est inacceptable", a déclaré Peter Sprigg, de l'organisation conservatrice Family Research Council, lors du dernier comité d'experts de la FDA.
Selon une étude publiée en 2010 par l'université de Californie à Los Angeles, une levée complète de cette interdiction n'accroîtrait la quantité totale de sang collecté aux Etats-Unis que de 2 à 4%.
Avec AFP