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Les Uber problèmes du roi des VTC

La volonté française, lundi, d’interdire l’un des services d’Uber n’est que l’énième obstacle sur le chemin de ce concurrent aux taxis traditionnels. La célèbre entreprise de VTC multiplie les faux-pas et les polémiques.

Pourquoi tant de haine ? C'est ce que doit se demander la société Uber, le roi des VTC (voitures de tourisme avec chauffeur) qui est dans le collimateur d’à peu près tout le monde... à l’exception de ses usagers réguliers. Dernier exemple en date, la France a annoncé, lundi 15 décembre, son intention d’interdire le service UberPop.

D'autres avaient devancé Paris. La capitale allemande, Berlin, a interdit Uber en août car le service ne garantissait pas suffisamment la sécurité des passagers. Et en Inde, New Delhi a fait de même, la semaine dernière, après qu’un conducteur a été accusé de viol sur une passagère.

Mais il n’y a pas que les interdictions qui s’entassent sur les pare-brise d’Uber. Des critiques de plus en plus virulentes concernant sa culture d’entreprise font écho jusque dans le saint des saints de l’innovation technologique, la Silicon Valley.

Pourtant jusqu’à récemment, la Mecque américaine du high-tech était fan d’Uber. Le combat de cette jeune société née en 2009 contre les taxis et régulateurs y était perçu comme un exemple type de la lutte entre les innovateurs et les intérêts corporatistes de professions qui n’ont pas su s’adapter.

Travis Kalanick, le PDG d’Uber, doit actuellement regretter ce temps béni. L’image de marque de son entreprise est en chute libre et il serait devenu l’incarnation "du problème posé par un type d’entrepreneur de plus en plus important dans la Silicon Valley : les têtes de cons". Cette remarque peu flatteuse provient de l'influente journaliste Sarah Lacy, connue pour ses positions anti-Uber.

Uber est, en effet, devenu familier ces dernières semaines des faux-pas et des provocations en série. L’Uber-bashing est devenu un créneau porteur. Illustration en cinq points.

UberPop agace tout le monde. Il n’y a pas que les taxis parisiens qui sont vent debout contre cette offre d’Uber. Les autres VTC français n’aiment pas non plus. LeCab et Transdev avaient déposé plainte en justice contre ce service qui permet à des particuliers de concurrencer des chauffeurs professionnels. Ils ont été déboutés, vendredi 12 décembre, par le tribunal de commerce de Paris.

C’est cette décision qui a provoqué le mouvement de colère des taxis, lundi 15 décembre. Les magistrats n’ont pas tranché la question sur le fond mais se sont défaussés sur leurs collègues du pénal qui seraient davantage compétents.

Des méthodes commerciales (trop ?) agressives. La société américaine de VTC Lyft sait que jouer dans la même cour que son concurrent Uber n’est pas une sinécure. Plusieurs médias américains ont révélé, cet été, qu’Uber utilisait une armée d’"ambassadeurs" pour rendre la vie aussi dure que possible aux chauffeurs de Lyft.

CNN a de son côté révélé que des employés d'Uber faisaient des réservations sur Lyft uniquement pour les annuler par la suite et rendre indisponibles les véhicules. Uber a nié ces affirmations.

Mais le site technologique The Verge a rajouté qu’à la lumière de documents internes obtenus, ces "ambassadeurs" ont aussi comme objectif d’aller débaucher les chauffeurs de Lyft.

Des menaces contre les journalistes. Fin novembre, la fondatrice du blog technologique PandoDaily Sarah Lacy était apparue sur la chaîne Bloomberg affirmant qu’elle avait dû engager des gardes du corps car elle se sentait "menacée" par Uber. Petit coup de com’ d’une journaliste qui a fait du "Uber-bashing" une spécialité ?

Peut-être, mais le roi des VTC lui a clairement tendu le bâton pour se faire battre. Le numéro 2 d’Uber, Emil Michael, avait assuré en privé, mais en présence d’un journaliste du site Buzzfeed, qu’il était prêt à engager des enquêteurs pour trouver de quoi salir la réputation des journalistes critiques à l’égard de son service.

Cet aveu a fait les choux gras de toute la presse américaine qui y a vu un condensé de la culture d'Uber, dépeinte comme une société prête à tout pour s’imposer. Après une avalanche d’articles négatifs, Travis Kalanick s’est officiellement excusé pour les déclarations de son second.

Le complexe de Dieu. Lors d’une soirée, en 2011, pour célébrer le succès grandissant d’Uber, Travis Kalanick avait montré une carte révélant les déplacements des utilisateurs de son service avec leurs identifiants. Il avait appelé ça la "vue de Dieu". Cette anecdote marque le début des pépins d’Uber avec des utilisateurs soucieux de la manière dont le groupe utilise les données privées collectées. Si Travis Kalanick est prêt à lâcher ce genre d’informations à des invités à une soirée, c’est, peut-être, qu’il n’a pas une grande considération pour le caractère privé de ces données ?

La polémique autour de l’appel à la vendetta contre les journalistes critiques a redonné un verni d’actualité à cet épisode. Uber pourrait-il être tenté de chercher des informations compromettantes dans cette immense base de données ?

Controverse autour des vérifications d’antécédents des chauffeurs. Le conducteur accusé de viol en Inde, la semaine dernière, aurait-il dû ne jamais entrer dans le circuit Uber ? Les vérifications sur ses antécédents ont-elles été suffisantes ? Ce n’est pas la première fois que ce genre de question se pose concernant le célèbre service de VTC.

Uber a beau assurer que ses contrôles sont souvent plus pointilleux que pour les taxis, les faits sont têtus. Un chauffeur Uber, qui avait déjà eu maille à partir avec les autorités pour conduite dangereuse, a été impliqué dans un accident de la circulation ayant entraîné la mort d’une jeune fille de six ans en janvier 2014. L’an dernier, un autre a été arrêté pour avoir agressé son passager. Il avait un passif de violence et d’usage de drogue.

Certes, même le système de contrôle le plus efficace n’est pas sûr à 100 %. Mais Uber ne semble pas désireux que les autorités imposent des règles plus strictes en la matière, comme le rappelle le "New York Times". Dans l’Illinois et en Californie, les entreprises de VTC ont, ainsi, obtenu l’annulation des projets de loi qui auraient renforcé les contrôles des antécédents des candidats chauffeurs.
 

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