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Importantes tractations commerciales et petites méchancetés, le récent piratage des serveurs de Sony Pictures donne un aperçu inédit du quotidien du monde très fermé d’Hollywood.

Le gigantesque piratage des serveurs de Sony Pictures, survenu fin novembre, n’en finit pas de faire des vagues. La piste d’une opération géo-politico-cinématographique, téléguidée par la Corée du Nord pour se venger de la sortie prochaine du film "The Interview", a été évoquée. Et après la mise à disposition gratuite de plusieurs films de premier plan qui risque de faire du mal au bilan comptable de Sony, c’est au tour du tout Hollywood de faire les frais des révélations issues de cette cyberattaque.

La mise en ligne au compte goutte de l’immense coffre à courriels et documents récupérés par les hackers est en train de créer une caverne d’Ali Baba des potins du gratin de l’industrie cinématographique. Mieux que le site TMZ, mais aussi, à l’occasion, que le très informé "Hollywood Reporter". Les échanges entre les cadres de Sony Pictures en disent long sur les pratiques commerciales à la Mecque américaine du septième art et fournissent des informations sensibles sur les plans des studios Sony. Tour d’horizon de ce que le petit monde d’Hollywood aurait probablement voulu que le grand public ne sache pas.

Très cher James Bond. Parmi la dernière fournée d’emails à avoir été mis en ligne, ces deux derniers jours, ceux qui ont trait à "Spectre", le prochain James Bond, sont particulièrement révélateurs.

Le budget alloué par Sony Pictures et la MGM à cette superproduction est supérieur à 300 millions de dollars "sans compter les frais de marketing". Cette enveloppe fait des prochaines aventures de 007 les plus onéreuses de l’histoire de l’espion au service de sa majesté.

Jonathan Glickman, le patron de la MGM, voudrait d’ailleurs trouver des moyens de faire des économies sur le dos de Bond. Dans un mémo récupéré sur les serveurs de Sony Pictures, il propose, par exemple, d’"oublier le final dramatique dans le train. Cela permettra de faire baisser le coût en effets spéciaux."

Angelina Jolie en prend pour son grade. La star américaine Angelina Jolie n’a pas dû apprécier les commentaires du producteur Scott Rudin à son égard dans plusieurs emails récupérés par les pirates informatiques et dont Sony n’a pas confirmé l’authenticité.

Elle est traitée d’"enfant gâtée à peine talentueuse" par ce ponte de Sony Pictures qui a produit des succès comme "No Country for Old Men" ou encore "The Social Network". Il n’a pas de mots assez durs pour le projet de biopic de Cléopâtre de la femme de Brad Pitt. Il compare l’idée à un "bain à 180 millions de dollars" pour soigner l’ego de l’actrice/réalisatrice. "Je ne suis absolument pas intéressé par ce projet qui, nous le savons tous les deux, se terminera par une débâcle qui pourrait mettre un terme à nos carrières", écrit-il à la co-présidente de Sony Pictures Amy Pascal.

Les goûts et la couleur de Barack Obama.
Scott Rudin et Amy Pascal - encore eux - semblent avoir une vision monochrome des goûts cinématographiques du président des États-Unis. Avant d’aller rencontrer Barack Obama, Amy Pascal discute avec son ami des possibles films préférés du locataire de la Maison Blanche. Dans l’échange d' emails qui s’ensuit, il est question de "Django Unchained" (de Quentin Tarantino), "12 Years a Slave" (de Steve McQueen) et du "Majordome" (de Lee Daniels). Point commun entre toutes ces œuvres : elles traitent de la condition des Noirs aux États-Unis.

Cet échange de mails à connotation raciale, si ce n'est raciste, est d’autant plus gênant pour ces deux cadres de Sony Picture qu’Amy Pascal soutient ouvertement le Parti démocrate et a donné plus de 5 000 dollars pour financer la campagne de 2012 de Barack Obama. Ils se sont tous les deux publiquement excusés. "J’ai fait une série de remarques qui se voulaient drôles, mais qui, à la réflexion, manquent de considération et ont pu choquer", a ainsi affirmé Scott Rudin. Amy Pascal, de son côté, a affirmé que "ses propos déplacés ne reflètent pas [s]a personnalité et, même s’il s’agit de conversations privées volées, [elle] en accepte l’entière responsabilité".

Les acteurs sont des numéros. Will Ferrell ou Tina Fey, Leonardo DiCaprio ou Christian Bale ? Pour toutes ces questions artistiques, les dirigeants de Sony ont des réponses très statistiques. D’après les documents publiés en ligne, la société a établi des tableaux et graphiques permettant de mesurer le taux de popularité des stars à l’étranger. Ainsi, Will Ferrell serait populaire à 94 % en Australie, mais seulement à 18 % au Japon.

Si l’actrice et scénariste Tina Frey se demande pourquoi Sony ne la contacte jamais pour une grosse production hollywoodienne, elle n’a qu’à regarder les petits comptes du studio : elle n’a qu’un taux de popularité de 36 % auprès du public international.

Entre Leonardo DiCaprio et Christian Bale, il n’y a pas photo : la star du "Loup de Wall Street" est une valeur beaucoup plus sûre. Ainsi, lorsque Christian Bale a remplacé Leonardo DiCaprio dans le casting du projet de biopic de Steve Jobs (récupéré depuis par Universal Studios), le studio a revu à la baisse ses prévisions de chiffre d’affaires pour le film.