Un ex-détenu français de Guantanamo a réagi mardi sur France 24 au rapport du Sénat américain sur les interrogatoires de la CIA. Il espère que cette publication fera avancer la plainte pour "actes de torture" qu’il avait déposée en France.
C’est un aveu en bonne et due forme que les anciens détenus de Guantanamo espèrent utiliser comme une arme judiciaire. La publication du rapport du Sénat américain sur les "interrogatoires poussés" de la CIA, mardi 9 décembre, confirme en effet de véritables actes de torture, du tristement célèbre waterboarding à la "réhydratation anale", à l’encontre des détenus suspectés d’être liés à Al-Qaïda.
Bien qu’il n’ait pas subi les sévices décrits ci-dessus, l’ancien détenu français Mourad Benchellali a expliqué sur l'antenne de France 24 qu’il espérait que le rapport du Sénat américain fasse avancer sa quête de justice.
"On a déposé une plainte par l’intermédiaire la justice française pour séquestration, détention arbitraire et actes de torture ; il y a deux juges qui instruisent (…). J’espère que ce rapport pourra confirmer les choses qu’on a déjà dites devant ces juges", affirme Benchellali.
Pression psychologique sur les détenus
L’ancien détenu de Guantanamo, qui a décrit son expérience dans son ouvrage "Voyage vers l'enfer", est revenu pour l'occasion sur les conditions de ses deux années de détention hors de tout cadre légal.
"Du point de vue physique, c’était des coups. On était menottés, attachés pendant des heures dans la salle d’interrogatoire. Il y avait aussi l’utilisation de la climatisation, la privation de sommeil, l’écoute forcée de la musique pendant des heures", explique Benchellali.
"Concernant l’aspect psychologique, on était isolés, coupés du monde… On avait cette incertitude de l’avenir, on ne savait pas pourquoi on était détenus et combien de temps ça allait durer", ajoute le Français de 33 ans.
Le commandant de Guantanamo dans le viseur de la justice ?
Ses démarches légales sont soutenues par le "Center for Constitutional Rights" à New York et le "European Center for Constitutional and Human Rights" (ECCHR), basé à Berlin. Ces organisations ont ainsi déposé auprès de la justice française, en février dernier, un dossier d’expertise de 17 pages concernant la responsabilité pénale du commandant du centre de Guantanamo, Geoffrey D. Miller.
"La juge française ne devrait pas se retenir de citer Geoffrey Miller à comparaître, et passer à l’étape suivante", notait alors Andreas Schüller, conseiller juridique au ECCHR, dans le communiqué publié sur le site Internet de la Fédération internationale des droits de l’Homme. "Il existe suffisamment de preuves disponibles, même sans le soutien des États Unis, pour avancer dans l’enquête." Le rapport du Sénat américain pourrait désormais prétendre au statut de preuve maîtresse dans cette quête de longue haleine.