
La ZANU-PF, le parti du président zimbabwéen Robert Mugabe, tient son congrès à Harare sur fond de guerre de succession et de montée en puissance de la première dame, Grace Mugabe.
Ouvert à huis clos mardi devant 12 000 délégués, le congrès quinquennal de la ZANU-PF, le parti du président zimbabwéen Robert Mugabe au pouvoir depuis 1980, se poursuit en public jusqu’au 6 décembre et tourne au règlement de comptes.
Âgé de 90 ans et sans successeur désigné, Mugabe a prononcé mercredi un violent discours contre Joice Mujuru, la vice-présidente du pays et du parti, exclue de la ZANU-PF à la veille du congrès. "Quand vous l'aviez choisie, vous pensiez avoir choisi quelqu'un de bien mais regardez ses péchés. Quand on est choisi par les gens, on n'est pas choisi pour voler, mais pour faire stopper le crime", a déclaré le président.
En novembre, les médias gouvernementaux ont accusé Joice Mujuru de détourner des fonds publics et de participer à un complot contre Robert Mugabe. La vice-présidente a contre-attaqué dans un communiqué, réffirmant son attachement à "la mission d'assister le président Mugabe" : "Je réfute toutes les allégations de trahison, de corruption, d'incompétence et de détournement du pouvoir régulièrement prononcées contre moi," a-t-elle affirmé, se disant prête à assurer sa défense devant les instances du parti et les tribunaux.
Ces déclarations n'ont pas convaincu le président : "Vous nous avez donné Joice Mujuru, dont nous pensions qu'elle ferait l'affaire. Pendant des années, nous avons cru travailler ensemble pour des objectifs communs, sans savoir qu'il y avait des plans en coulisse pour détruire le parti et ravir le pouvoir au président", a-t-il lancé aux délégués de la ZANU-PF.
Un autre membre du courant modéré du parti, son porte-parole Rugare Gumbo, a lui aussi été exclu, malgré son passé de ministre. Les accusations de complot portées par Roibert Mugabe contre Joice Mujuru et ses partisans ne le surprennent pas : "S'il veut détruire quelqu'un, il dira simplement que vous voulez l'assassiner", a déclaré Rugare Gumbo à l'agence AP. "C'est un truc que l'on connaît depuis la lutte pour l'indépendance."
Grace Mugabe profite de la purge
Ainsi, les membres du cercle rapproché de Mugabe occupent désormais l'espace laissé vide par les dernières purges.
Son épouse Grace, 49 ans, pourrait faire son entrée au bureau politique du parti. Comme Joice Mujuru, elle doit son ascension politique à la ligue des femmes de la ZANU-PF, dont elle a récemment pris la tête. L'ancienne dactylo de la présidence, devenue première dame, a vu une rue d'Harare baptisée à son nom à l'occasion du congrès.
"Les habitants disent que c'est la première rue du Zimbabwe à porter le nom d'une personne vivante, à l'exception du président Robert Mugabe lui-même", remarque Ryan Truscott, correspondant de RFI sur place. Pour lui, Grace Mugabe est l'une des artisans de la campagne contre Joice Mujuru.
Le ministre de la Justice Emmerson Mnangagwa, 68 ans, est vu comme l'autre vainqueur du congrès de la ZANU-PF. Sa rivale évincée, cet ancien de la lutte pour l'indépendance, soutien sans faille de Mugabe dans la répression de ses opposants, pourrait jouer le rôle de vice-président – et de dauphin.
Non que le président nonagénaire ait l'intention de passer la main : ceux qui s'attendaient à un transfert de pouvoir rapide entre lui et Mujuru avaient des "attentes stupides et idiotes", a-t-il prévenu.
Avec AFP, AP, Reuters