Quatre films de Sony Pictures ont fuité sur le Net, ce week-end, alors qu’ils ne sont pas encore sortis en salle. Certains y voient une réponse de la Corée du Nord à “The Interview”, une comédie critique à l’égard de Kim Jung-un.
"Fury", le film de guerre avec Brad Pitt est déjà un succès en ligne, alors qu'il n'est projeté sur grand écran que depuis deux mois. "Annie", "Still Alice", "Mr Turner" et "To write a love letter on her arm" s’en sortent pas mal non plus, considérant qu’ils ne sont pas encore disponibles en salle. Ces cinq films de Sony Pictures - dont quatre inédits - sont téléchargeables depuis près d’une semaine sur plusieurs sites proposant des liens pour récupérer des œuvres protégés par le droit d’auteur.
Plus de deux millions d’internautes se sont déjà illégalement rués sur les aventures de Brad Pitt dans l’Allemagne de la fin de la deuxième guerre mondiale, d’après le site du magazine américain "Variety", dimanche 30 novembre. Les autres films, attendus en salle l’an prochain, ont été téléchargés entre 100 000 et 200 000 fois. C’est l’une des pires fuites en ligne pour un studio de cinéma depuis des années. Il se pourrait, en outre, que tous ces internautes puissent visionner ces films en avant-avant-première grâce à la Corée du Nord.
Sony Pictures débranché
La mise en ligne illégale de "Fury", "Annie" & co. est le dommage collatéral d’une vaste cyberattaque qui paralyse les activités de Sony Pictures depuis lundi 24 novembre et pourrait être l’œuvre de pirates informatique liés au régime de Kim Jung-un. Tous les ordinateurs chez Sony Pictures en Californie, leurs téléphones et périphériques reliés à l’Internet (tablettes, imprimantes, etc.) ont été débranchés en début de semaine dernière, après la découverte d’un important vol de données sensibles. Le fait que l’activité de cette branche de distribution de films et séries télévisées du géant japonais soit encore largement perturbée sept jours après l’attaque “souligne l’importance de cette cyberopération”, affirme le blog américain consacré à la sécurité informatique “Security Affairs”.
Le vol de donnée a été rapidement revendiqué par un groupe de pirate informatique, GOP (Guardians of Peace). Ils ont mis en ligne un nombre impressionnant de documents internes à Sony Pictures avant de faire fuiter également les cinq films. Ces fichiers comprennent des données financières, les détails de contrats commerciaux avec des chaînes de télévisions, les habituelles informations personnelles sur les salariés de Sony Pictures ou encore l’organigramme détaillé du groupe. Les GOP assurent qu’ils n’ont pas fini d’inonder le Web avec des documents sensibles, qui pourraient être économiquement dévastateurs pour l'entreprise.
Le groupe a fait appel à Mandiant, l’une des sociétés américaines les plus côtés sur le marché de la sécurité informatique, et au FBI pour traquer les assaillants, rapporte l’agence Reuters. Une piste actuellement explorée en interne concerne une éventuelle connexion avec la Corée du Nord, assure le site technologique Re/Code.
Kim Jung-un fâché ou un employé licencié rancunier ?
L’attaque pourrait, dans ce scénario, être une réponse au film “The Interview”. Cette comédie dépeint le périple en Corée du Nord de deux journalistes américains qui veulent obtenir l’interview de Kim Jung-un et qui sont recrutés par la CIA pour tuer le dirigeant nord-coréen. Cette superproduction hollywoodienne a très officiellement provoqué l’ire de Pyongyang. “Un film qui envisage de faire du mal à notre dirigeant est un acte de guerre et de terrorisme qui ne sera absolument pas toléré”, avait fait savoir un porte-parole du gouvernement nord-coréen en juillet dernier.
Ce contexte, ajouté à la sortie imminente - le 25 décembre - de la comédie controversée aurait suffi pour mettre en rogne des pirates informatiques, sur ordre de Pyongyang ou de sympathisants du régime. “Kim Jung-un peut facilement être irrité par des petits détails et avoir des réactions disproportionnées”, assure au quotidien “The Telegraph” Andrei Lankov, un historien russe spécialiste des deux Corées.
D’autres médias ne sont pas convaincus en revanche par la piste nord-coréenne. Selon eux, il s’agirait plutôt d’un ancien employé de Sony Picture qui n’aurait pas supporté d’avoir été licencié. C’est ce qui ressort, notamment, d’un courriel envoyé au site “The Verge” par une personne qui assure avoir travaillé avec les pirates informatiques. Elle affirme que le groupe “veut l’égalité pour tous, ce que Sony ne veut pas” et rajoute que les pirates ont été aidé par des gens de l’intérieur qu’ils connaissaient.