
Le pape François a entamé sa tournée en Turquie, vendredi, en appelant Ankara à montrer l’exemple en matière de "dialogue interreligieux" afin d’endiguer la montée de l’extrémisme islamiste et la persécution des chrétiens au Moyen-Orient.
Les persécutions dont sont victimes les chrétiens d’Orient ont été évoquées, vendredi 28 novembre, par le pape François dès le premier jour de sa visite en Turquie, pays frontalier des zones de conflit d’Irak et de Syrie. Le chef de l’Église catholique a insisté sur le rôle que pouvait jouer la Turquie : "Un pont naturel entre deux continents et des expressions culturelles différentes".
Alors que son hôte, le président turc Recep Tayyip Erdogan, dénonçait "l’islamophobie" croissante du monde occidental, le pape argentin de 77 ans a exhorté Ankara à promouvoir le "dialogue interreligieux et interculturel, de manière à bannir toute forme de fondamentalisme et de terrorisme".
Au pouvoir depuis 2003, le président Erdogan, qui recevait le pape dans son nouveau, luxueux et très controversé palais de la banlieue d'Ankara, a joué la proximité avec son invité. "Nous regardons le monde avec les mêmes valeurs. Nos vues sont identiques sur la violence", a-t-il assuré.
Mais, fidèle à son discours habituel, M. Erdogan a poursuivi par une longue sortie contre la progression de l'islamophobie dans le monde occidental.
"Les préjugés se développent entre les mondes musulman et chrétien. L'islamophobie monte sérieusement et rapidement. Nous devons œuvrer ensemble contre les menaces qui pèsent sur notre planète : l'intolérance, le racisme et les discriminations", a-t-il dit.
S'il a fermement condamné les organisations extrémistes telles que le groupe de l'organisation de l'État islamique (EI) ou Al-Qaïda, M. Erdogan a expliqué leur progression parce que leurs jeunes recrues "ont été discriminées et victimes de politiques incorrectes".
L'homme fort de Turquie a également dénoncé le "double discours" occidental sur le terrorisme, fustigeant notamment le "terrorisme d'État" à l'œuvre en Syrie ou en Israël.
"Les mêmes droits"
Depuis qu'il dirige sans partage le pays, M. Erdogan, un pieu musulman, se présente volontiers en protecteur des religions, mais il est régulièrement accusé par ses détracteurs de vouloir "islamiser" la République laïque turque fondée en 1923.
Le pape François n'a pas occulté ces critiques. "Il est fondamental que les citoyens musulmans, juifs et chrétiens [...] disposent des mêmes droits et respectent les mêmes devoirs, a-t-il dit, la liberté religieuse et la liberté d'expression, efficacement garanties à tous [...] deviendront un signe éloquent de paix" pour la région.
La communauté chrétienne de Turquie ne regroupe plus aujourd'hui que 80 000 personnes dans un océan de plus de 75 millions de musulmans, pour l'essentiel sunnites. Les chrétiens, tolérés, ne sont toujours pas reconnus juridiquement comme une communauté à part entière.
Comme il l'avait déjà fait dans l'avion l'amenant à Ankara, le pape n'a pas manqué de louer les "efforts généreux" de la Turquie pour l'accueil des réfugiés de Syrie et d'Irak, quelle que soit leur confession. "La communauté internationale a l'obligation morale de l'aider à prendre soin des réfugiés", a-t-il dit.
Selon l'agence spécialisée sur le Vatican I.Media, le pape devrait d'ailleurs profiter de son passage à Istanbul pour y rencontrer des réfugiés irakiens et syriens. Un geste attendu depuis qu'il a exprimé cet été son désir de soutenir au Kurdistan irakien les chrétiens, orthodoxes et catholiques confondus, qui fuient la poussée jihadiste.
Le pape, quatrième souverain pontife à visiter la Turquie, a poursuivi sa visite samedi et dimanche par Istanbul.
Huit ans après son prédécesseur, le pape argentin Jorge Bergoglio a visité les mêmes lieux chargés de symboles que Benoît XVI, du mausolée d'Atatürk vendredi à l'ancienne basilique byzantine Sainte-Sophie devenue musée et la Mosquée bleue samedi à Istanbul, mais dans un climat nettement plus apaisé.
En 2006, la visite du pape allemand avait été empoisonnée par des propos controversés tenus trois mois plus tôt, où il semblait faire un lien entre islam et violence.
Même si le Vatican n'a évoqué aucune menace spécifique, près de 3 000 policiers ont été mobilisés à Ankara et au moins 7 000 autres le seront à Istanbul samedi et dimanche.
Dans la partie plus religieuse de son séjour, François compte réduire encore la fracture avec les orthodoxes née du schisme de 1054. Il doit notamment signer une déclaration avec le plus prestigieux de ses chefs, le patriarche Bartholomée.
Avec AFP