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Cameron durcit sa politique d'immigration et défie Bruxelles

Le Premier ministre britannique a exposé, vendredi, une série de mesures visant à freiner l’afflux d’immigrés originaires des pays de l’Union européenne. Ce tour de vis sur l’immigration nécessiterait une modification du traité européen.

Le bras de fer est engagé. Soumis à la pression de mouvements europhobes jusqu’à l’intérieur de son propre parti, le Premier ministre conservateur britannique David Cameron a décidé de défier Bruxelles en limitant l’accès à certaines prestations sociales pour les migrants originaires des États membres de l'UE.

Cette forme de préférence nationale est la mesure phare de son discours sur l’immigration, prononcé vendredi 28 novembre devant des ouvriers et des journalistes au JCB World Headquarters à Rocester. En pratique, les citoyens européens arrivant au Royaume-Uni devront attendre quatre ans avant de pouvoir accéder à certains avantages comme le logement social ou le crédit d’impôt. Selon Cameron, un immigré ne devrait pas venir au Royaume-Uni sans offre d'emploi – et il sera prié de quitter le pays au bout de six mois s'il n'a pas trouvé de travail.

Ce plan sur l’immigration nécessiterait, David Cameron l'avoue lui-même, un changement des traités européens, qui ont sanctuarisé le principe de libre circulation des personnes entre les États membres.

Montée des sentiments europhobes au Royaume-Uni

À six mois des élections législatives, le chef du gouvernement conservateur est pressé par son parti d’adopter une ligne dure sur la question de l’immigration - que les sondages placent désormais au premier rang des préoccupations des électeurs - afin de réduire la popularité de Ukip (Parti de l’indépendance du Royaume-Uni), qui prône une sortie de l’Union européenne et un durcissement de la politique d’immigration.

Jeudi, l'Office National des Statistiques (ONS) a révélé une envolée de 468 % du nombre de Roumains entrés au Royaume-Uni entre juin 2013 et juin 2014. Le solde positif migratoire toutes nationalités confondues s'établit à 260 000 (+39 %), réduisant en cendres les promesses du gouvernement de le ramener sous la barre des 100 000 par an.

Le Premier ministre britannique a cependant laissé de côté certaines des propositions les plus radicales évoquées ces dernières semaines, comme l’instauration d’un plafond sur le nombre d’immigrés. Malgré ce renoncement, le discours de David Cameron a été accueilli plutôt favorablement par l'aile eurosceptique de son parti, même si elle ne s'en contentera sans doute pas.

"Ce sont de bonnes mesures. Mais seront-elles suffisantes?", s'est aussitôt interrogé l'ancien ministre conservateur Gerald Howarth, assurant que les Britanniques voulaient "récupérer sans attendre le contrôle de leurs frontières".

Vers un chantage à la sortie de l’UE ?

Reste à voir quelle sera la réaction de l’Union européenne. Celle-ci s’est dite prête à discuter "avec calme et prudence" des propositions britanniques sans rentrer dans les détails.

Face au risque de blocage, David Cameron a insisté sur "la nécessité absolue" de réformes. À défaut, "si nos préoccupations tombent dans l'oreille d'un sourd", il "n'exclut rien" et menace de faire campagne pour une sortie de l'UE lors du référendum qu'il a promis pour 2017 en cas de victoire aux législatives de mai.

Sa réélection est toutefois encore loin d'être assurée. Les travaillistes disposent pour le moment d'une légère avance dans les intentions de vote tandis que le parti europhobe Ukip, qui a fait de l'immigration son principal cheval de bataille, fait figure d'épouvantail après avoir remporté les européennes en mai.

Sa progression a conduit tous les partis traditionnels à durcir leur discours sur la question, y compris les travaillistes, qui entendent aussi limiter les prestations sociales aux immigrés.

Le leader de l'Ukip, Nigel Farage qui fustige régulièrement la "faillite totale" de David Cameron sur l'immigration, a répété vendredi qu'aucun contrôle des flux migratoires ne serait possible tant que le Royaume-Uni ferait parti de l'UE.
 

Avec AFP et Reuters