Dans une série d'études publiées vendredi, l'Organisation mondiale de la santé pointe du doigt la situation alarmante des femmes victimes de violences. Dans le monde, une femme sur trois subit des agressions physiques dans le cadre du foyer.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) met en lumière, vendredi 21 novembre, dans une série d’articles publiés dans la revue médicale "The Lancet", la situation préoccupante des femmes dans le monde. L’OMS estime ainsi qu’une femme sur trois a subi des violences physiques ou sexuelles infligées par son partenaire et que 7 % des femmes seront victimes d’une agression sexuelle perpétrée par un autre que leur partenaire à un moment donné de leur vie. L’épidémiologiste Henriette Jansen, membre du département de recherche de l’OMS contre les violences faites aux femmes, explique à France 24 en quoi des dispositions plus importantes doivent être mises en place par les politiques pour lutter contre ce problème à la fois social, criminel et de santé publique.
France 24 : Les chiffres publiés par l’Organisation mondiale de la santé sont édifiants. Selon-vous, ces violences sont toujours endémiques un peu partout dans le monde ?
Henriette Jansen : Depuis une quinzaine d’années, il y a eu une douzaine d’études sur la santé des femmes et les violences domestiques que ce soit de la part de l’OMS ou d’autres organismes qui utilisent la même méthodologie. Les résultats de toutes ces études montrent en effet qu’une femme sur trois a été victime de violences physiques ou sexuelles dans sa vie. Mais il y a des pays où ces chiffres sont encore plus élevés, avec deux femmes sur trois touchées par ces violences. Ces études montrent également que les violences domestiques et conjugales ont un impact considérable et à long terme sur la santé et la vie de ces femmes, de leurs enfants et de leurs familles.
À quels types de violences sont confrontées les femmes ?
Il y en a de toute sorte et la plupart sont liés aux discriminations sexuelles. Cela inclut parmi tant d’autres : la violence de la part de leurs maris ou compagnons, les questions de dot, le viol marital ou non, les abus sexuels sur les filles, les mariages forcés ou précoces, les mutilations génitales, le trafic des femmes, la prostitution forcée, le harcèlement sexuel au travail, le "fémicide", les violences ou les viols tolérés par les États etc…. Les études montrent que la plupart de ces violences ont lieu dans le cadre du foyer et sont perpétrées par les époux. Dans le cas des guerres et des crises humanitaires, les violences sexuelles sont également un grave problème.
Dans votre rapport, vous mettez surtout l'accent sur la prévention, mais vous notez aussi qu’il ne faut pas seulement se concentrer sur les victimes, mais aussi sur les agresseurs...
Les violences domestiques sont souvent perçues comme des problèmes familiaux, plus que comme quelque chose qui concerne l’ensemble de la société. Il est important de briser ce silence qui empêche les femmes de parler librement et d’agir. Il faut effectivement investir plus dans la prévention. Les modules qui se sont avérés très prometteurs sont ceux qui font travailler ensemble les hommes et les femmes, les garçons et les filles, les familles ainsi que les écoles. Ces programmes remettent en question les rôles traditionnellement attribués aux hommes et aux femmes, ainsi que la manière dont ils se comportent d’habitude ensemble. Par exemple, on sait que très souvent, les femmes sont rendues responsables des violences qu’elles subissent en raison de la manière dont elles se comportent ou elles s’habillent. Il est donc important de débuter dès le plus jeune âge car la violence est quelque chose que l’on apprend étant enfant. Les garçons qui naissent dans des familles où le père est violent ont un plus grand risque d’abuser de leurs femmes quand ils seront adultes.
Du côté des gouvernements, quelles actions les politiques peuvent-ils entreprendre ?
Les gouvernements devraient vraiment prendre ce problème au sérieux. Les dirigeants doivent être des modèles et dire combien ces violences sont inacceptables. Ils doivent aussi allouer des ressources pour les prévenir. Cela passe par des actions contre les discriminations sexuelles et également par un financement plus accru des services de protection des femmes que ce soit d’un point de vue médical, judiciaire, social ou sécuritaire. Ils doivent aussi poursuivre et punir les auteurs de ces violences et faciliter l’accès à la justice pour les victimes en renforçant les lois. Enfin, ils doivent réellement mettre en application les différents traités signés nationalement ou internationalement à ce sujet et mieux analyser les résultats au fil des ans.