Le géant français du nucléaire Areva a abandonné ses objectifs pour 2014 et doit revoir ses perspectives pour les deux années à venir. Malgré ce double signal d'alarme, l'État a assuré, jeudi, que le groupe n'avait pas besoin d'être recapitalisé.
De champion du nucléaire à géant au pied d’argile. Areva va mal. Le groupe français a annoncé, lundi 18 novembre, un abandon de ses objectifs financiers pour cette année, et reconnaît devoir revoir à la baisse ses perspectives pour les deux années à venir. Conséquence : l’action du groupe a baissé de 16 % depuis le début de la semaine.
L’État est même monté au créneau pour sauver le soldat Areva dont il détient 87 % des parts. Il “prendra toutes ses responsabilités”, a assuré Emmanuel Macron, le ministre de l’Économie, en marge d’une audition au Sénat, mercredi 19 novembre. Pour l’instant, il n’est pas encore officiellement question de recapitalisation par l’État, mais le groupe nucléaire aurait besoin d’environ deux milliards d’euros pour ne pas sombrer financièrement, d’après plusieurs médias français.
Mauvaises nouvelles de toutes parts
Cette crise chez Areva peut surprendre. Le groupe est, après tout, le premier fournisseur au monde d’uranium, il est à la pointe de la technologie avec ses réacteurs de troisième génération et il participe à l’exploitation de près de la moitié des 435 réacteurs en activité dans le monde. Il a donc toutes les apparences du mastodonte industriel omniprésent et incontournable.
Mais ce ne sont, justement, que des apparences. Le groupe avance comme explication un environnement économique moins favorable que prévu. Pas faux. Les deux projets phares de réacteurs de troisième génération, l’EPR en Finlande et celui de Flamanville (Alsace) multiplient les retards qui font, en outre, flamber l’addition. La Chine et l’Inde sont finalement moins friands de nucléaire. La catastrophe de Fukushima continue de peser sur les activités d’Areva et Tokyo vient seulement, début novembre, de donner son feu vert au redémarrage de deux réacteurs. En Europe, par ailleurs, la situation économique pousse les fournisseurs d’électricité à négocier les prix à la baisse.
Le boulet Uramin
Mais Areva porte, aussi, son lot de responsabilités dans cette débacle industrielle. L’un de ses principaux errements remonte au rachat, en 2007, de la société canadienne Uramin qui exploite des mines d’uranium en Namibie. Le groupe Areva a payé le prix fort pour avoir accès directement à ses propres gisements, mais les cours d’uranium se sont effondrés peu après et cette acquisition s'est révèlée être l’une des plus mauvaises affaires de l’histoire du groupe.
Après la Namibie, Abu Dhabi. En 2009, l’émirat inflige un camouflet à Areva en lui préférant un groupe sud-coréen, pratiquement sans expérience dans le domaine, pour lui livrer quatre EPR. C’est un réel traumatisme qui conduit à une réorganisation complète de la filière nucléaire française.
Qui veut la tête d'Areva ?
En 2010, ensuite, Areva pense pouvoir procéder, sans aucune difficulté, à une augmentation de capital de plus de deux milliards d’euros. Raté : les négociations pour lever les fonds, avec le Qatar et le Japonais Mitsubishi, ne donnent rien. Conclusion, le fleuron du nucléaire français est obligé de toquer à la porte de l’État pour récupérer seulement 900 millions d’euros (dont une partie provient du fonds souverain du Koweït).
Cette série d’échecs s’inscrit, en outre, dans le cadre d’une succession de batailles pour le contrôle d’Areva et de la filière française du nucléaire. Les manœuvres en interne pour pousser Anne Lauvergeon vers la sortie, elle quittera son poste à la tête du groupe en 2011, et l’offensive d’EDF pour devenir le maître d’œuvre du nucléaire made in France ont contribué à détériorer l’image d’Areva à l’international.
Avec AFP