Dans des PV d'audition dont "Libération" et France Inter ont obtenu copie, un comptable suisse affirme avoir remis 53 millions d'euros en liquide au sénateur UMP Serge Dassault. Le Sénat pourrait examiner la levée de son immunité parlementaire.
Au lendemain de nouvelles révélations sur l'enquête visant Serge Dassault, le président du Sénat, Gérard Larcher, a indiqué mardi 18 novembre que la chambre haute serait disposée, si les juges le demandaient, à examiner une nouvelle fois la levée de l’immunité parlementaire de l’avionneur et sénateur UMP.
Selon "Libération" et France Inter, un comptable suisse, entendu par les magistrats enquêtant sur les soupçons d'achat de voix à Corbeil-Essonnes (Essonne), dont Serge Dassault fut le maire, a en effet raconté comment il a remis à ce dernier 53 millions d'euros en liquide entre 1995 et 2012.
Dans le procès-verbal d'audition que le quotidien et la station de radio se sont procurés, l’homme décrit le dispositif qui, à partir d’une société financière genevoise appelée Cofinor, aurait permis à l'avionneur de recevoir à Paris de l'argent liquide depuis le Liechtenstein et la Suisse. Sur la seule période 2008-2012, qui englobe les trois élections visées par l’enquête, le comptable a précisé avoir livré 7,45 millions d’euros en liquide à l'industriel.
Des billets de 100 euros dans des sacs Carrefour
Entendu les 6 et 7 octobre par les enquêteurs, le comptable décrit le circuit qu'empruntaient ces fonds une fois arrivés sur le sol français. "Cofinor me donne un rendez-vous pas trop loin de l'Arc de Triomphe", raconte-t-il. Le livreur "me remet un sachet en plastique ‘passe-partout’ (Carrefour, Dior, Fnac, etc.), lequel contient l'argent en numéraire entouré de papier journal. Ce n'étaient que des liasses de billets de 100 euros."
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"Je ne voyais jamais l'argent puisque j'allais directement au rond-point" des Champs-Élysées, siège du groupe, "je montais dans le bureau de Serge Dassault, je posais le sac dans un coin de son bureau et immédiatement, on parlait d'autre chose", a-t-il précisé dans sa déposition. "Je n'ai jamais posé de questions et Serge Dassault ne m'en a jamais rien dit", a-t-il encore expliqué. L'industriel "me disait qu'il avait besoin de me voir, je comprenais qu'il avait besoin d'argent liquide".
"Totale innocence"
Mis en examen pour complicité de financement de campagnes électorales et d'achat de votes et blanchiment, celui qui décrit Serge Dassault comme un "ami" n'établit pas de lien entre ces livraisons d'argent liquide et l'achat présumé de voix à Corbeil-Essonnes entre 2008 et 2012, objet de l'enquête des juges financiers.
Âgé de 89 ans, Serge Dassault avait été mis en examen en avril pour "achat de votes", "complicité de financement illicite de campagne électorale" et "financement de campagne électorale en dépassement du plafond autorisé". S'il a reconnu des dons, Serge Dassault a toujours démenti avoir acheté des voix d'électeurs lors des municipales de 2008, 2009 et 2010.
Le Sénat avait refusé en janvier la levée de l'immunité de Serge Dassault, 89 ans, qui avait fini par la demander de lui-même afin de "démontrer sa totale innocence" dans cette affaire, avaient affirmé à l’époque ses avocats. Sollicités lundi 17 novembre au soir par l'AFP, ces derniers n'ont pas donné suite mais devraient publier un communiqué ce mardi après-midi.
Avec AFP et Reuters