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Les néonazis allemands recrutent chez les hooligans

Une nouvelle organisation de l'extrême droite radicale en Allemagne se dessine : l'alliance des hooligans et des néonazis contre les salafistes. Une formation de circonstance qui prend de l'ampleur, notamment lors de manifestations dans de grandes villes allemandes.

La haine engendre la haine et comme le craignaient les services de renseignement allemands, la montée en puissance des mouvements salafistes en Allemagne alimente l'extrême droite radicale. Depuis quelque temps déjà, on peut observer, sur Internet et dans la rue, la formation de coalitions de circonstance contre les islamistes. Ainsi, plusieurs groupes de hooligans ennemis organisent actuellement des démonstrations de force dans le pays, avec un mot d'ordre : à bas les salafistes. En toile de fond de cette mobilisation, une haine à peine voilée de l'islam et des étrangers.

Pas moins de 5 000 personnes ont ainsi répondu, fin octobre à Cologne, à l’appel du nouveau groupuscule HoGeSa (Hooligans gegen Salafisten), un terme signifiant "hooligans contre salafistes". Les organisateurs de cette manifestation affirment n'avoir aucun lien avec l'extrême droite radicale, mais le public ne prend pas autant de précautions. "Cette racaille de merde doit retourner d'où elle vient, ils n'ont rien à faire ici", dit ainsi un manifestant. "J'ai l'intention de créer une famille et je ne veux en aucun cas que le moment venu, ma fille soit obligée de porter le voile", assure une autre. "Nous ne voulons plus de ces porcs de salafistes", renchérit en chœur la foule.

Le groupe de rock invité pour l'occasion s'est fait connaître pour ses textes racistes et violents. "Ici, ce sont les barbus d'Allah qui gouvernent, la police de la charia et les crimes d'honneur, personne n'arrête cette folie", chantent-ils.

Jusqu'à présent, les hooligans se voulaient apolitiques et n’avaient en général qu’un seul objectif : défendre les couleurs de leur club et en découdre avec leurs adversaires. Mais la politisation d’une frange de cette mouvance est un phénomène bien réel et pour le moins atypique.

"On sent qu'on est dans une nouvelle vague, reconnaît Sven Friedrich, le propriétaire de 'Hoolywood', une boutique berlinoise spécialisée dans la mode hooligan. L'extrême droite se cherche de nouveaux domaines d'expansion parce que leurs propres manifestations n'attirent plus grand monde, donc ils utilisent le football et la peur de l'islam et de l'islamisation au sein de la population pour regagner du terrain."

Un nouveau potentiel pour l’extrême droite

Dans sa boutique, la grande majorité de la clientèle est tout sauf néonazie, assure Sven. Ce virage pris par certains hooligans semble même plutôt les inquiéter. "On n'a jamais vu ça ! Que les hooligans s'allient aux nazis, pour moi, ce sont tous des abrutis, regrette Mario, un client de Hoolywood. Maintenant, le citoyen lambda pense que tous les crânes rasés et que tous les hooligans sont des nazis, car c'est cette image qui est désormais véhiculée dans les médias et c'est exactement ce que voulaient ces types."

Cette tendance s'est illustrée pour la première fois il y a un an. En novembre 2013, à Schneeberg, en Saxe, des néonazis et des hooligans marchaient main dans la main pour protester contre l'ouverture d'un centre de demandeurs d'asile.

Depuis, les manifestations de ce genre se sont multipliées, notamment car la frange la plus extrême de la droite radicale se cherche de nouveaux alliés. "Les néonazis veulent mobiliser pour leur cause et faire de l'agitation, explique Chris, un ancien néonazi membre d’un groupuscule national-socialiste. Il faut savoir que de nombreuses organisations néonazies ont été interdites ces derniers temps, et que le parti d'extrême droite a essuyé des échecs électoraux. Et là, il y a un nouveau potentiel, ils veulent s'en servir et on leur sert sur un plateau."

Jusqu'où ira cette alliance de circonstance ? Pour Olaf Sundemeyer, spécialiste de l'extrême droite, tout dépendra de leur capacité de mobilisation au sein de la population. "L'histoire allemande est ce qu'elle est, donc en Allemagne, on ne peut pas exprimer son racisme comme ça, cela conduit forcément à l'isolement social, affirme-t-il. Mais si ce mécanisme est rompu, alors là, on fait face à quelque chose de dangereux, de très dangereux. On n'y est pas encore et c'est l'ensemble de la société qui doit faire en sorte qu'on n'y arrive pas."

Pourtant, dans certaines régions, l'extrême droite semble y être en partie parvenue. Depuis plusieurs semaines, à Dresde, néonazis, hooligans et citoyens lambda manifestent côte à côte contre l'islamisation de l'Occident. Ils étaient 1500 la semaine dernière.