Le sommet de l'Asean se tient le 12 et 13 novembre à Naypyidaw, la capitale birmane. Trois après l'autodissolution de la junte militaire, où est-on de la "transition démocratique" promise ? Reportage.
La Birmanie accueille les 12 et 13 novembre, le sommet de l'Association des nations de l'Asie du sud-est (Asean). Il s’agit de la plus grande réunion internationale qu'accueille le pays depuis la chute de sa junte. Il y a moins de quatre ans, cette dernière, pointée du doigt pour ses nombreuses violations des droits de l'Homme, était encore au ban de la communauté internationale. Les investisseurs étrangers n'avaient pas accès à ce marché de près 52 millions d'habitants. Le gouvernement Obama fut alors l'un des principaux fers de lance la réintégration de la Birmanie à la communauté internationale.
"Plus cher qu'à Paris"
Les premiers effets de la transition démocratique sont déjà visibles à Rangoon. Le pays est en proie à un boom économique sans précédent, mais totalement anarchique. Dans les rues, les chantiers se multiplient. Face à cette manne, de nombreux Birmans se sont ainsi opportunément reconvertis dans l’immobilier, à l’image de Robin Saw Naing, ancien travailleur humanitaire.
"Les prix à Rangoon c'est de la folie. Ici, c'est plus cher qu'à Paris, plus cher qu'à Manhattan ou même Hong Kong et Singapour. C'est complètement dingue !", raconte-t-il à France 24. "Puisqu'il n'y pas de règles, pas d'encadrement de cette politique économique, les gens trouvent tout un tas de combines pour s'enrichir ! Il y a donc de sacrées magouilles dans le secteur de l'immobilier".
Dans cette Birmanie nouvelle, la levée partielle des sanctions économiques a ainsi permis à des centaines de millions de dollars de revenir dans le pays. Il s’agit souvent de l'argent des anciens dictateurs et de leurs affidés, qui est rapidement investi pour des profits records.
"C'est vrai qu'il est extrêmement difficile de savoir d'où l'argent vient et de comprendre comment ces investissements sont réalisés. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il y a une absence totale de transparence. Impossible de savoir qui investit dans quoi", détaille Ko Aung Thura, un expert financier.
Beaucoup trop d'inégalités
Pendant que les uns, peu nombreux, se remplissent les poches, la fameuse perestroïka birmane n'a que de peu d'effets sur le reste de la population, notamment les minorités ethniques, qui représentent un tiers de la population. Trois guerres sont toujours menées dans les États lointains de l'est birman. Dans une église catholique, le père Bénédict témoigne des attentes de ces fidèles : " Il y encore beaucoup trop d'inégalité et d'injustice lorsqu'il question, de la liberté des personnes. Et c'est pour ça que nous nous battons : pour la liberté !".
Rien donc n'a vraiment changé en trois ans d'ouverture. Des millions de Birmans tentent toujours de survivre sans plus vraiment croire aux annonces du nouveau pouvoir. "Aucune de ces promesses n'a vraiment été tenue. A part bien-sûr la libéralisation économique et l'ouverture aux investissements étrangers. Par contre, rien n'a été fait pour protéger les citoyens birmans devenus des victimes de cette ouverture économique anarchique. Donc, si on regarde la situation du point de vue des droits de l'Homme, je trouve que c'est encore pire qu'avant", estime Daw Khon Ja, l’une des activistes les plus célèbres du pays, qui œuvre pour l’ONG Kachin Peace Network.
La presse et les organisations non gouvernementales sont pourtant presque libres. C'est l'une des rares concessions tangibles du gouvernement réformiste, même si Daw Khon Ja modère cette avancée : "Je ne sais pas si on peut parler d'améliorations notables. Quand on est face à un scandale et qu'on dépose plainte, c’est envoyé à la commission de recours".
Par le biais de la nouvelle Commission des Droits de l’Homme, Daw Khon Ja essaye notamment de porter devant la justice les affaires de tortures et de disparitions imputées à l'armée dans les zones ethniques. Mais ses demandes sont souvent renvoyées de procédures en procédures. Pour elle, la Birmanie en transition a encore beaucoup de chemin à faire pour répondre aux attentes de son peuple.