Les républicains se sont emparés mardi de la majorité au Sénat, prenant ainsi le contrôle du Congrès. Un revers qui pourrait bloquer les grands chantiers intérieurs de l’administration démocrate, mais pas les dossiers de politique étrangère.
Pour la première fois depuis 2006, les républicains contrôlent la totalité du Congrès (Sénat et chambre des représentants). Un succès qui devrait fortement limiter la marge de manœuvre du président démocrate Barack Obama, pour ses deux dernières années de mandat.
Le président de la Chambre, le républicain John Boehner, l’a d'ailleurs immédiatement annoncé : le nouveau Congrès, qui prendra ses fonctions début janvier, s'attachera à devenir une force d’opposition crédible "pour remettre le pays sur la bonne voie".
Mais quel pouvoir ce nouveau Congrès aura-t-il sur les principaux dossiers de politiques étrangères (Iran, Irak, Syrie…) engagés par l’administration Obama ? L'opposition radicale au président sera-t-elle la posture adoptée par les républicains ? Selon Soufian Alsabbagh, spécialiste des États-Unis et du Parti républicain, leur arrivée ne "changera pas grand chose" aux dossiers majeurs de politique extérieure.
- Le dossier iranien
Début 2014, la Chambre des représentants, à majorité républicaine, avait tenté – avec le concours de quelques démocrates - de voter de nouvelles sanctions économiques contre l'Iran, afin de faire pression sur Téhéran et son programme nucléaire controversé. Cette tentative avait été bloquée, au Sénat, sur demande de la Maison Blanche.
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Mais avec un Congrès entièrement républicain, Obama n’a plus les mains libres. La situation pourrait, donc, en théorie, évoluer. "Un consensus assez fort existe à Washington selon lequel l'Iran n'est pas assez sous pression", a d’ailleurs indiqué à l’AFP un haut collaborateur républicain au Congrès. Les sénateurs pourraient donc voter en faveur d’un durcissement des sanctions et contre une prolongation des négociations, dont la date-butoir a été fixée au 24 novembre.
"Sur la forme, les républicains ont donc gagné un important pouvoir d’influence. Ils peuvent amener le président à infléchir sa position", explique Soufian Alsabbagh. "Mais sur le fond, il est important de préciser qu’Obama est toujours aux commandes. Il peut, selon un droit constitutionnel, opposer son droit de veto à un texte de loi du Congrès, et ainsi bloquer son passage. D’autres présidents avant lui, Bill Clinton ou encore George Bush, ont déjà fait usage de ce veto présidentiel."
- Les dossiers irakien et syrien
Le parti républicain est tout autant divisé que le parti démocrate sur la position à adopter face aux jihadistes de l’organisation de l’État islamique (EI) en Irak et en Syrie. Deux écoles s’affrontent : celle qui prône l’intervention armée par les seules frappes aériennes et celle qui prêche pour un engagement militaire au sol.
De nombreux sénateurs réclament donc un débat sur la stratégie américaine à adopter. L’issue de ces discussions pourrait cependant se limiter à une tempête dans un verre d’eau : il semble peu probable que les républicains veuillent endosser la responsabilité d’une nouvelle "guerre" en Irak.
Même si les républicains sont généralement plus interventionnistes que les démocrates, "aucun des deux camps ne prendra le risque préjudiciable de s’engager dans un conflit aussi sensible à deux ans de la présidentielle américaine", explique Soufian Alsabaggh. Nombre de sénateurs républicains seront candidats à la primaire de leur parti en 2016, rappelle le spécialiste. "Ils peuvent se montrer plus offensifs, remettre en cause la stratégie Obama, mais aucun d’eux ne mettra en péril sa future candidature. Il est donc peu probable de voir des mesures ‘va-t-en guerre’ passer au Congrès."
- Le dossier israélo-palestinien
Jusqu’à présent, l’administration démocrate a toujours essayé de ménager la chèvre et le chou dans le conflit israélo-palestinien. Elle tendait l’oreille vers l’Autorité palestinienne tout en "brusquant" Israël, son allié historique, dont elle a souvent exigé plus de retenue dans sa guerre contre le terrorisme.
Une attitude qui a eu le don d’irriter Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, qui a souvent reproché à Barack Obama son "indulgence" envers les "terroristes". Dès le début du mandat du président américain, l’inimitié entre les deux hommes était un secret de Polichinelle. Netanyahou n’avait pas supporté qu’Obama, à peine élu, fasse part de souhait de l’arrêt total des colonisations en cours en Cisjordanie.
"Ce qui change aujourd’hui, c’est surtout la réaction de Benjamin Netanyahou. Ce dernier doit évidemment se réjouir de la victoire des républicains, farouchement pro-israélien", précise Soufian Alsabbagh. Ce dernier rappelle que le Premier ministre de l’État hébreu avait publiquement soutenu Mitt Romney lors de la dernière campagne présidentielle.
- Les traités de libre-échange internationaux
Le dossier des négociations commerciales dans le monde est un enjeu crucial de la politique économique américaine. "Sur ce dossier-là, démocrates et républicains sont à l’unisson. C’est un dénominateur commun des deux camps. Le commerce extérieur et la relance économique ne sont pas des sujets claniques", précise le spécialiste des États-Unis.
Si une petite opposition démocrate exprime son hostilité aux négociations en cours sur deux accords majeurs : le TPP (traité transpacifique) et le TTIP (traité transatlantique), la grande majorité des républicains y est favorable.
Le TPP et TTIP sont deux "méga" traités commerciaux américano-asiatique et américano-européen, en cours de discussion, qui devraient redéfinir l’architecture des échanges économique de la planète. Il est donc probable que leur signature ne soit freinée ni par un camp ni par l’autre.
Avec AFP