Le Brésil a confirmé sa volonté de construire son premier câble internet sous-marin vers l’Europe en boycottant totalement les États-Unis pour éviter le risque d’être espionner par la NSA. Une mauvaise nouvelle pour l’économie américaine.
Le Brésil continue sa croisade anti-espionnage made in NSA. Sa dernière idée : construire un gigantesque câble de fibre optique qui relierait le Brésil au Portugal, sans passer par les États-Unis. Le principe avait été posé en février 2014 et Brasilia a confirmé, en fin de semaine dernière, qu’aucune entreprise américaine n’y serait associée.
Jusqu’à présent, tout le trafic internet du pays emprunte des câbles qui transitent par le pays de l’Oncle Sam. Ce nouveau projet, évalué à 185 millions de dollars (147 millions d'euros), éviterait les États-Unis en mettant ainsi, d’après Sao Paulo, les données acheminées vers l’Europe à l’abri des oreilles indiscrètes des cyberespions de la NSA.
Ce câble sous-marin de 5 632 km de long serait “le chantier idéal pour se passer de l’expertise américaine”, assure Bill Choi, un analyste à la société de conseil financier Janney Montgomery Scott, à Bloomberg qui a révélé l’affaire jeudi 30 octobre. “Ce genre de travaux requiert avant tout l’intervention d’une forte main d’œuvre, ce qui est la spécialité de sociétés telles que le Français Alcatel-Lucent ou le Suisse TE Connectivity”, assure la chaîne américaine.
“Choix stratégique très important”
L’idée de se passer de l’assistance des entreprises américaines permettrait, d’après le Brésil, de s’assurer que le matériel utilisé n’est pas équipé de logiciels espions. Les révélations de l’ex-consultant de la NSA Edward Snowden ont convaincu plusieurs pays que les services américains de renseignement avaient recours à ce genre de pratiques.
La présidente brésilienne Dilma Rousseff y a, encore, fait référence lors d’une conférence de presse à Sao Paulo, le 20 octobre. “C’est un choix stratégique très important pour notre pays et il est important de rappeler que les câbles sous-marins sont parmi les principaux outils utilisés pour l’espionnage aujourd’hui”, a-t-elle expliqué en allusion au nouveau projet de câble qui doit être finalisé en 2016.
Que cette initiative inédite soit d’origine brésilienne n’est pas étonnant. Brasilia fait figure de principal détracteur sur la scène internationale des méthodes d’espionnage à la sauce américaine. Dilma Rousseff n’a jamais digéré que ses communications aient, d’après les documents d’Edward Snowden, été placées sur écoutes par la NSA.
Le gouvernement brésilien ne s’arrête d’ailleurs pas à la construction d’un câble hors de portée de la curiosité des espions nord-américains. Même le service de messagerie électronique Outlook de Microsoft n’est plus en odeur de sainteté. Un tiers des ministères a déjà basculé vers Expresso, une solution concurrente et 100 % nationale du Servico Federal de Processamento de Dados (Service fédéral du traitement des données). Dilma Rousseff a appelé toutes les administrations à faire de même pour “éviter tout risque d’espionnage”.
L’Allemagne aussi
Signe des temps, l’Allemagne, un autre pays très critique à l’égard de la NSA, est en train d’examiner des mesures qui vont dans le même sens. Un projet de loi a été dévoilé, lundi 3 novembre, qui risque de rendre la vie très dure aux sociétés américaines qui veulent décrocher des contrats avec les administrations publiques et les entreprises privées dans les “secteurs stratégiques”.
Ce texte, encore à l’état d’ébauche, prévoit que les entreprises qui répondent à des appels d’offres publics fournissent toute une série d’informations sur leurs solutions logicielles afin de s’assurer qu’il n’y a rien qui ouvre la porte “à l’espionnage d’où qu’il vienne”. Les grands groupes américains très présents en Allemagne, comme Oracle, IBM ou Microsoft, risquent d’avoir du mal à accepter de partager leurs secrets de fabrications avec les autorités.
Les projets du Brésil et de l’Allemagne démontrent que l’ère post-Snowden risque d’être économiquement douloureuse pour les entreprises américaines du high-tech. En 2013, l’association américaine “The information technology and innovation foundation” estimait que les pratiques secrètes de la NSA risquaient de coûter entre 22 et 33 milliards de dollars à l’économie américaine en trois ans.