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Ebola : la course au vaccin bat son plein

, à Vancouver (Canada) – Qui commercialisera le premier vaccin contre Ebola ? Le gouvernement canadien et un laboratoire britannique s'affrontent dans une course effrénée pour faire homologuer leurs sérums contre le virus qui sévit en Afrique de l’Ouest.

VSV-EBOV ou ChAd3 ? La solution pour stopper l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest se trouve peut-être dans l'un de ces sigles abscons. D’un côté, le vaccin mis au point par le gouvernement canadien, de l’autre, celui du géant pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline (GSK). Lequel des deux aura la primeur de distribuer le précieux sérum ? Difficile à dire tant les procédures apparaissent aujourd'hui à des stades identiques.

Le seul moyen de se démarquer reste donc… la communication. Dans ce domaine le Canada pourrait bien avoir une courte tête d’avance. Ottawa a annoncé que 800 flacons allaient être acheminés au siège genevois de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Contacté par France 24, l’institution a confirmé que les derniers détails étaient en cours de finalisation. La livraison pourrait arriver à bon port dans les prochains jours. En attendant, l'hôpital à Genève qui recevra le vaccin aurait déjà fait l'acquisition d'un congélateur spécial pouvant stocker ces doses à -80 degrés Celsius.

Un vaccin en développement depuis 10 ans

VSV-EBOV a été développé par l'agence de santé publique du Canada à Winnipeg. La propriété intellectuelle du vaccin appartient donc au gouvernement canadien mais la licence de commercialisation est détenue par la société américaine NewLink Genetics. Après des essais concluants sur le singe, l'agence de santé publique a annoncé début octobre entrer dans la phase 1, à savoir celle des tests sur les humains. Quelque 40 personnes se sont portées volontaires pour recevoir le vaccin dans l’État du Maryland, aux États-Unis.

"Nous avons commencé à travailler sur ce vaccin il y a 10 ans avec les docteurs Heinz Feldmann, Steven Jones, Ute Stroeher et Tom Geisbert", explique à France 24 le porte-parole du ministère canadien de la Santé. "Les essais cliniques de phase 1 servent à évaluer si le vaccin est assez sûr pour être utilisé de manière préventive sur des humains qui n’ont pas contracté le virus. Les tests vont également aider à déterminer le dosage approprié ou la quantité de vaccin nécessaire pour immuniser les populations", complète le docteur Gregory Taylor, administrateur en chef de l’agence de santé publique. Il précise qu’aucun cobaye ne risque de contracter la maladie, le vaccin expérimental ne contenant aucune séquence du virus.

Les résultats de la phase 1 sont attendus en décembre 2014. S’ils s’avèrent concluants, de nouvelles batteries de tests seront conduites "à plus large échelle et dans les pays touchés par l’épidémie", indique le docteur Gregory Taylor. Restera alors à obtenir l’autorisation des régulateurs internationaux pour commercialiser le sérum.

Pas de commercialisation avant 2016 ?

Interrogé sur l’avancée parallèle de l’autre vaccin prometteur développé par le Britannique GSK, le ministère canadien de la santé refuse de répondre. Pourtant, les résultats de la phase 1 du ChAd3 doivent également être rendus publics d’ici la fin de l’année. Les tests ont débuté en septembre sur plusieurs dizaines de volontaires sains aux États-Unis et au Royaume-Uni. D'autres essais sont également prévus sur 80 volontaires au Mali puis en Gambie.

Mais qu’il s’agisse du ChAd3 ou du VSV-EBOV, la partie est loin d’être gagnée. Les essais de phase 2 qui vont donc déterminer l’innocuité et l’efficacité des vaccins dans les pays touchés seront entamés en janvier ou février 2015, pour une éventuelle commercialisation à la fin du printemps, dans le meilleur des cas. Un chercheur de GSK a même confié le 17 octobre à la radio BBC qu'il ne voyait pas de mise sur le marché possible avant 2016.

Ne pas "bâcler les protocoles de tests"

Six mois ou deux ans, le délai semble long au regard du bilan déjà très lourd de l'épidémie d'Ebola (l'OMS faisait état vendredi 17 octobre de 4 555 morts sur 9 216 cas enregistrés). Mais il est en fait très court pour les scientifiques : les commercialisations se font généralement entre sept et 10 ans après le début des procédures. Concernant Ebola, la recherche d’un vaccin est rendue plus compliquée par la dangerosité du virus. Les laboratoires qui se sont lancés dans la quête d'un vaccin doivent être dotés d'installations extrêmement sécurisées, pointues et donc onéreuses. S’ajoute à cela le manque de cobayes humains, le virus n’étant, jusqu'à l'épidémie actuelle, apparu que par de petites flambées touchant quelques centaines de personnes.

Dans ce contexte, les voix de certains scientifiques commencent à s'élever pour mettre en garde contre la tentation de précipiter et de bâcler les protocoles de tests cliniques. Spécialiste des maladies infectieuses de l'université Georgetown à Washington, le professeur Jesse Goodman estime que "dans la fièvre actuelle, nous avons besoin de réfléchir avec prudence et avec humanité."

La Russie et son vaccin outsider

Malgré la plus grande précaution demandée par la communauté scientifique, certains laboratoires se précipitent pour faire valoir leurs recherches. Moscou a ainsi pris de court la communauté scientifique en annonçant, le 11 octobre, être en mesure de fournir non pas un mais trois vaccins d’ici à six mois. "L’un est déjà prêt pour un essai clinique", a assuré la ministre russe de la Santé, Veronika Skvortsova, précisant que l’un des vaccins avait été créé à partir d’une souche inactive du virus.

Et la Russie n’est pas le dernier candidat à s'être manifesté : la firme américaine Johnson & Johnson est également rentrée récemment dans la course.