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Polémique en France autour des listes "antisionistes" de Dieudonné

L'ex-humoriste, plusieurs fois condamné pour propos antisémites, a l'intention de présenter des listes "antisionistes" aux élections européennes de juin. L'Élysée, qui souhaite les interdire, crée la polémique.

"Dieudonné, ce pitre qui ne fait pas rire", "Dieudonné, côté obscur", "Les étranges amitiés de Dieudonné"… Si le nom de Dieudonné fait désormais la une des titres de la presse nationale française, ce n’est plus pour encenser le talent comique de l’humoriste mais pour évoquer les dérapages verbaux d’un homme de scène qui a troqué son costume de clown contre celui du militant "antisioniste".

C’est d’ailleurs sous la bannière "antisioniste" que l’ancien comparse d’Elie Semoun a fait part, le 21 mars, de son intention de présenter, aux côtés de l’ex-membre du Front national (FN) Alain Soral, cinq listes aux élections européennes de juin. Une annonce qui serait – presque – passée inarperçue si Claude Guéant, le porte-parole de l’Elysée, n’avait affirmé, dimanche sur les ondes de Radio J, étudier la possibilité de faire interdire des listes qu’il a qualifiées de "programme ouvertement antisémite".

La réaction du principal intéressé ne s’est pas fait attendre. Interrogé dans la foulée par l’AFP, l’humoriste a dénoncé "un effet d’annonce politique" et accusé le bras droit de Nicolas Sarkozy d’agir "en bon petit soldat du lobby sioniste". "Nous irons jusqu'au bout de cette démarche", a ajouté Dieudonné, dont les spectacles sont interdits par de nombreuses municipalités. L’artiste a été condamné dans le passé pour ses propos sur la Shoah et les juifs.

"Pour les tribunaux, l’antisionisme n’est pas répréhensible"

Une polémique dont se serait bien passés les détracteurs du comédien. Pour le député européen socialiste Vincent Peillon, le "buzz médiatique" suscité par les propos de Claude Guéant profite surtout à Dieudonné, qui "ne mérite pas autant d'attention".

Aux yeux de nombreux observateurs, les déclarations du porte-parole de l’Elysée paraissent d’autant plus vaines qu’il reste peu probable que les autorités françaises parviennent à interdire les listes controversées.


Pour Jean-Yves Camus, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), interrogé par France Info, “l’interdiction d’une liste en France serait une mesure tout à fait exceptionnelle […] Ce serait une mesure parfaitement unique dans l’histoire de notre Constitution”. Car selon le politologue, "c’est sur la base de propagande électorale qu’on pourrait interdire, non pas la liste, mais la propagande de la liste". Autrement dit, Dieudonné pourrait tout au plus être interdit de faire campagne.


Mais, là encore, rien n’indique que les pouvoirs publics puissent prouver le caractère raciste et antisémite, et donc illégal, du message véhiculé par les listes du comédien. "Pour les tribunaux français, l’antisionisme n’est pas répréhensible car les juges le distinguent de l’antisémitisme", explique Jean-Yves Camus.

D’aucuns craignent déjà que la controverse déclenchée dimanche par l’Elysée ne permette à Dieudonné de lancer sa campagne à moindre frais. Et ne lui donne l’occasion de répéter à l’envi ce qui constitue son fond de commerce : sa détestation du "sionisme" et de l’Etat d’Israël.