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Iran : le président Rohani accusé de mentir sur des journalistes en détention

Des journalistes iraniens accusent le président Hassan Rohani d'avoir menti lors d'une interview dans laquelle il a déclaré qu'aucun journaliste n'était emprisonné en Iran. Selon RSF, 52 journalistes sont détenus dans les prisons iraniennes.

Dans une lettre ouverte diffusée jeudi 2 octobre par des médias persans en ligne, 135 journalistes iraniens basés en Iran et à l’étranger interpellent le président Hassan Rohani sur ses déclarations récentes. La semaine dernière, dans une interview accordée à CNN à New York, en marge du sommet de l’ONU, le chef d’État iranien a expliqué qu’il n’y avait pas de journalistes emprisonnés en Iran à cause de l'exercice de leur métier.

"Je ne pense pas qu’un seul individu soit détenu ou envoyé en prison parce qu’il est journaliste", a ainsi soutenu le président iranien. "Le comportement général vis-à-vis des journalistes, des reporters, et de ceux qui s’occupent de la lourde tâche d’informer nos citoyens doit être souple. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faille négliger les lois et la Constitution de notre pays. Mais nous pouvons créer une atmosphère plus ouverte", a-t-il ajouté souriant.

Dans le courrier rédigé en persan qui circule largement sur les réseaux sociaux, les signataires de la lettre dénoncent l’hypocrisie du président iranien. "Nous trouvons cela immoral, non professionnel et insultant de nier le fait qu’aujourd’hui, beaucoup de journalistes se trouvent en prison en Iran parce qu’ils ont fait leur travail. Ce sont les faits, un certains nombre de journalistes ont été emprisonnés sous votre présidence", écrivent-ils en s’adressant directement à Rohani.

L'Iran, 5e prison du monde pour les journalistes

Selon Reporters sans frontières (RSF), depuis l’arrivée au pouvoir du modéré Hassan Rohani en juin 2013, 25 journalistes ont été arrêtés. Au total, 52 journalistes et "net-citoyens" se trouvent actuellement dans des établissements pénitentiaires iraniens, ce qui fait de l’Iran la cinquième prison du monde pour la profession.

"Lorsque vous êtes arrivé au pouvoir en juin 2013, vous aviez promis de créer les conditions de sécurité nécessaires au travail des journalistes et des médias dans le pays", rappellent les 135 signataires de la lettre. L’élection de Hassan Rohani avait en effet soulevé une vague d’espoir dans les milieux journalistiques et chez les militants des droits de l’Homme. Il incarnait alors l’ouverture, après huit années de présidence de Mahmoud Ahmadinejad, connu pour ses diatribes anti-israéliennes sur le plan international, mais surtout pour son conservatisme et la répression violente des journalistes et des manifestants lors des incidents post-électoraux de 2009 en Iran.

Et pourtant, sous la présidence du modéré Hassan Rohani, le nombre de journalistes derrière les barreaux n’a pas diminué. "Des libérations ont eu lieu, mais il s’agit de personnes ayant fini d’effectuer leurs peines. Il n’y a pas eu de libération anticipée comme on s’y attendait", explique Reza Moini, responsable du bureau Iran chez RSF.

Un journaliste américano-iranien détenu depuis deux mois

Autre question sensible à laquelle le président iranien à dû répondre lors de l'entretien accordé à CNN, la détention depuis le 22 juillet du correspondant américano-iranien du "Washington Post" à Téhéran, Jason Rezaian, et de son épouse Yeganeh Salehi, ressortissante iranienne travaillant pour le quotidien émirati "The National". Deux mois après leur arrestation, on ignore toujours le motif et le lieu de leur détention. À ce propos, le président iranien a répondu à CNN qu’il ne souhaitait la prison "pour personne". S’en remettant au respect de la loi, il a tenté de rassurer : "S'ils vont au tribunal, la justice leur donnera accès à tous les moyens légaux de se défendre (…) Nous certifions leur famille que justice et équité seront employées dans le dossier de leurs proches."

Interrogé par la chaîne américaine PBS le 17 septembre, le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif a dû lui aussi répondre de la détention du citoyen américain et de sa femme. "Jason est un bon reporter, quelqu’un qui a produit des reportages plutôt honnêtes sur l’Iran ces dernières années (...) Je fais de mon mieux et notre gouvernement fait de son mieux. Mais vous savez que notre pouvoir judiciaire est indépendant. (...) Nous avons fait de notre mieux pour influencer nos amis du judicaire qui expertisent l’affaire", a-t-il ajouté comme pour se justifier.

En attendant, d’après RSF, Jason Rezaian et Yeganeh Salehi restent emprisonnés sans motif officiel. Selon les informations recueillies par l’ONG, les deux journalistes sont toujours détenus par les Gardiens de la révolution. Ils ont été soumis à de longues périodes d’isolement et ont subi une forte pression dans le but de leur arracher des aveux, qui pourraient ensuite être utilisés contre eux lors de leur procès. Affaibli physiquement et psychologiquement pendant ces 60 jours de détention, Jason Rezaian aurait perdu au moins 30 kilos.