Des footballeuses professionnelles ont décidé de porter plainte contre la Fifa et la fédération canadienne pour discrimination. Elles jugent qu'il est trop dangereux de jouer les matches du Mondial-2015 au Canada sur des terrains synthétiques.
Les plus grandes stars du football féminin sont en colère et elles le font savoir. Des dizaines de joueuses, dont les Ballon d’Or 2012 et 2013, l’Américaine Abby Wambach et l’Allemande Nadine Angerer, ont décidé de poursuivre en justice la Fifa (Fédération internationale de football) et la Fédération canadienne.
Le dépôt d'une plainte a été enregistrée le 1er octobre auprès du Tribunal des droits de l’Homme de l’Ontario pour discrimination. Les joueuses s’opposent en effet à l’organisation du Mondial-2015 au Canada sur des terrains synthétiques, alors que toutes les précédentes Coupes du monde, masculine ou féminine, se sont déroulées sur du gazon. "Les joueuses talentueuses que nous représentons sont déterminées à ne pas laisser le sport qu’elles aiment se faire rabaisser", a expliqué leur avocat Hampton Dellinger dans un communiqué. "Avoir une pelouse lors du mondial est un combat que les joueuses ne devraient pas avoir à mener. Nous espérons que l’équité et l’égalité vont finir par l’emporter face au sexisme et à l’entêtement".
"Nous risquons une blessure grave"
Dans moins d’un an, du 6 juin au 5 juillet 2015, le mondial féminin se déroulera dans six villes canadiennes. Les stades sélectionnés pour la compétition présentent tous des terrains artificiels, mais les joueuses estiment qu’ils sont beaucoup plus dangereux que de la pelouse. La star Abby Wambach, l’un des fers-de-lance de ce combat, avoue même craindre de jouer dans ces conditions. "Nos jambes vont être plus irritées, nous allons avoir plus d’éraflures. Nous risquons même une blessure grave et d’être forfait pour le reste du tournoi", a-t-elle ainsi décrit sur le site de Fox Sports.
Pour mieux convaincre, plusieurs footballeuses, dont l’internationale américaine Sydney Leroux, ont d’ailleurs partagé sur les réseaux sociaux des photos de leurs jambes ensanglantées après un entraînement sur du synthétique. Pour d’autres joueuses, la pelouse artificielle ne permet pas de jouer le même football. "Il faut plus porter le ballon que le frapper. Le touché est très différent, ainsi que la manière de dribbler", estime ainsi l’attaquante Megan Rapinoe de l’équipe des États-Unis. "La façon dont la balle rebondit n’est pas pareil. Je n’ai plus la même capacité à lire la trajectoire du ballon. Je ne suis pas aussi en confiance que lorsque je joue sur la pelouse", explique pour sa part la gardienne Hope Solo.
Le synthétique, avenir du foot ?
Malgré ces critiques, la Fifa n’a, pour l’instant, pas l’intention de changer la nature des terrains pour ce mondial. Interrogé par les médias à ce sujet lors de l’inspection des stades, en début de semaine, Tatjana Haenni, la directrice des compétitions féminines, a affirmé qu’il n’y a pas d’autre solution : "Il n'y a pas de plan pour changer notre politique de jouer sur des surfaces synthétiques. Cela va être comme ça, c'est selon les règles de la compétition et les lois de notre sport". Le président de la fédération internationale, Sepp Blatter, soutient d’ailleurs ce projet. Au mois d’août dernier, lors de la Coupe du monde féminine des moins de 20 ans organisée au Canada, il avait assuré que le synthétique est "l’avenir du football".
Un journaliste du "Vancouver Sun" a également pris position en faveur de l’artificiel et répondu directement aux remarques des joueuses. Dans un éditorial, il assure que le Canada ne peut pas faire autrement en raison de sa situation géographique et des réalités économiques: "Nous sommes handicapés par notre climat subarctique. L’herbe ne pousse que peu de mois durant l’année. Il y a peu d’intérêt du public pour financer et maintenir des stades onéreux qui peuvent être très peu utilisés en raison de la fragilité de la pelouse".
Pourtant, l'avocat des joueuses, Hampton Dellinger, estime que le coût de l'installation d'une pelouse dans les six enceintes concernées ne serait pas si élevé. Les travaux se chiffreraient entre deux et trois millions de dollars (1,6 et 2,4 millions d'euros), selon lui. "Une goutte d'eau dans les coffres de la Fifa", a-t-il justifié auprès de l'agence Associated Press. "Et le Canada est l'un des plus riches pays au monde".
Pour l'heure, les joueuses internationales n’ont pas décidé de boycotter la compétition, mais elles entendent bien continuer leur lutte. Elles ont lancé sur Internet une pétition qui a recueilli plus de 11 000 signatures à ce jour. Les Françaises Eugénie Le Sommer, Camille Abily, Wendie Renard ou encore Louisa Nécib, qui sont qualifiées pour le mondial, participent également à ce mouvement de protestation.