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AIG : l'État américain sur le banc des accusés pour "sauvetage illégal"

L’ancien patron d’AIG, Maurice Greenberg, réclame 40 milliards de dollars à l’État américain, accusé d’avoir spolié les actionnaires du groupe lors du méga-sauvetage de 2008. Le procès, qui débute lundi, est l’un des plus importants de l’après-crise.

C’est Goliath contre Goliath. Maurice Greenberg, ex-patron d’AIG, l’un des plus puissants assureurs au monde, affronte l’administration Obama devant un tribunal à partir de lundi 29 septembre. Cet homme d’affaires octogénaire veut que la justice américaine déclare illégal le sauvetage de son ancien groupe par l’État intervenu en 2008. Aujourd’hui à la tête du fonds d’investissement Starr International, il réclame plus de 40 milliards de dollars (31,5 milliards d’euros) pour les actionnaires, qu'il estime floués.

Durant cinq semaines, tous les pontes en poste à l'époque de la crise financière défileront à la barre. Les anciens secrétaires au Trésor, Timothy Geithner et Henry Paulson, l’ex-directeur de la Fed, Ben Bernanke et une longue liste d’investisseurs de haut vol seront interrogés sur ce qui reste l’une des pages les plus sombres de l’histoire économique contemporaine.

Les États-Unis ont décidément du mal à clore le dossier du renflouement à hauteur de 182 milliards de dollars (143 milliards d’euros) d’AIG en septembre 2008. Le contribuable américain y voit l’un des plus importants détournements d’argent public au profit d’une entreprise privée. Le gouvernement juge que c’était la seule option pour éviter la chute d’AIG et une cascade de faillites d’autres banques. Maurice Greenberg affirme, quant à lui, que l’État a roulé les actionnaires de l’assureur dans la farine.

Le patron de Starr International, qui a déposé sa plainte en 2011, ne remet pas en cause la nécessité qu’il y avait à sauver AIG ; il dénonce la manière dont le renflouement s'est déroulé. En contrepartie de l’aide financière versée, l’État était alors devenu actionnaire de l’assureur à 79 %, transformé, de facto, en entreprise publique. Maurice Greenberg affirme que cette nationalisation est une violation du cinquième amendement de la Constitution américaine, qui interdit à l’autorité publique de réquisitionner un bien ou une propriété privée sans une juste indemnisation.

"Théorie du complot"

Maurice Greenberg, qui détenait 12 % d’AIG en 2008, affirme donc avoir été trop peu payé par l’État. Le gouvernement a, effectivement, payé les parts du groupe 500 000 dollars, alors qu’elles valaient plus de 30 milliards de dollars à l’époque. Le patron de Starr International a réussi à entraîner d’autres investisseurs, à l’instar de l’un des fondateurs de la chaîne Home Depot, dans sa bataille judiciaire.

L’homme d’affaires juge aussi qu’il n’y avait pas lieu de nationaliser AIG. "D’autres institutions financières ont pu être secourues sans que l’État en prenne le contrôle", rappelle Maurice Greenberg dans sa plainte. Pour lui, cette nationalisation était une manière pour l’administration Obama "d’utiliser AIG comme véhicule financier afin de transférer en cachette des fonds vers d’autres institutions financières qui avaient besoin d’argent". Il ne cite aucun nom, mais affirme qu’il s’agissait d’un système rôdé de "sauvetage dissimulé" dont les actionnaires d’AIG ont fait les frais.

"Théorie du complot" a rétorqué le ministère américain de la Justice. Pour les autorités, Maurice Greenberg, qui a quitté la direction d’AIG en 2005, est loin d’être le représentant idéal des petits actionnaires censés avoir été spoliés. Il a été le patron du groupe durant près de 40 ans et, il est le responsable de la stratégie développée par l’assureur pour investir massivement dans les subprimes. Ces produits financiers risqués - adossés à des prêts hypothécaires douteux - sont à l’origine de la crise financière de 2008.

Le ministère américain de la Justice rappelle, en outre, que la direction actuelle d’AIG n’a pas voulu se joindre à la plainte de Maurice Greenberg. L’assureur a d’ailleurs remboursé l’intégralité de l’argent que l’État lui avait prêté avec, en bonus, le paiement de 25 milliards de dollars d’intérêts.