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Transavia Europe est-elle capitale pour la survie d'Air France ?

Après plus d’une semaine de grève des pilotes, Transavia Europe, la filiale low-cost d’Air France, ressemble de plus en plus à un projet mort-né. Pourtant la direction assurait que c’était l’arme ultime pour faire face à la concurrence en Europe.

C’est la cacophonie politico-économique du jour. Depuis mercredi 24 septembre au matin, les versions sur l’avenir du projet de la compagnie low-cost Transavia Europe d’Air France se succèdent et ne se ressemblent pas.

Le secrétaire d’État aux Transports, Alain Vidalies, a dégainé le premier, assurant que la direction d’Air France "avait abandonné" l’idée. La compagnie aérienne, qui fait face à une grève des pilotes depuis dix jours, a qualifié cette annonce de prématurée. Enfin, le Premier ministre, Manuel Valls, a tenté de mettre tout le monde d’accord en affirmant que l’abandon du projet était “la bonne solution” si cela permettait de mettre un terme à la crise.

Bref, le projet Transavia Europe, qui a été rendu public le 5 septembre, cristallise toutes les tensions autour de l’avenir d’Air France. Le principal syndicat des pilotes de la compagnie, le SNPL, y voit une tentative de "dumping social" et de "délocalisation" des emplois : Transavia Europe n’utiliserait, en effet, que du personnel local dans ses trois bases européennes (Porto, Lisbonne et Munich). La direction d’Air France rétorque que le développement au niveau européen de sa filiale low-cost Transavia France est vital pour ses activités sur le Vieux Continent, où elle a perdu plus de 650 millions d'euros en 2013, face à la concurrence des EasyJet, Ryanair et autres.

Les échecs de Go et Buzz

Pourtant, adosser une filiale low-cost à une compagnie traditionnelle n'est pas toujours la solution miracle. En fait, seul Lufthansa l'a réussi jusqu'à présent avec le développement depuis 2002 de Germanwings. Mais cette évolution ne s'est pas faite sans grève des pilotes des deux compagnies en 2013 pour avoir un statut commun.

Pour le reste “les compagnies aériennes traditionnelles qui ont développé des filiales low-cost n’ont pas connu de franc succès”, rappelle Claudio Piga, économiste à la Keele University et spécialiste du secteur aérien. Ainsi, British Airways a dû se séparer de sa filiale à bas-coût Go, rachetée par EasyJet en 2002. Et Ryanair a acquis Buzz, la compagnie low-cost de KLM en 2003. "Généralement, les différences de mentalité entre le personnel de la compagnie traditionnelle et de sa filiale à bas-coût, ajoutées à une direction qui a du mal à définir une stratégie d’ensemble, font que ces attelages ne fonctionnent pas très bien”, résume Claudio Piga.

Des alternatives existent

Pour cette raison, Claudio Piga estime qu'en France "où les syndicats sont particulièrement conflictuels, Air France ferait peut-être bien de trouver d’autres manières pour concurrencer les compagnies low-cost". L’abandon du projet de Transavia Europe ne serait, d'après lui, pas forcément une mauvaise nouvelle pour la compagnie aérienne française.

Encore faut-il avoir d’autres cartouches en poche pour faire face à la concurrence, qui casse les prix. "Le personnel de ces compagnies traditionnelles, comme Air France, doit comprendre qu’il ne peut plus bénéficier des mêmes avantages qu’avant la libéralisation du secteur aérien en Europe", note Claudio Piga. Mais faire des économies sur le dos des salariés ne peut pas être la seule voie pour rester en course sur le marché européen, d’après cet économiste.

Il estime qu’il faut aussi s’attaquer au problème des lignes peu rentables. C’est ce qu’a fait Lufthansa, à partir de 2013, en délaissant certaines destinations en Allemagne au profit de Germanwings. Enfin, il y aurait aussi des investissements à faire "dans des avions moins gourmands en carburant ou plus petits pour les courts trajets", juge Claudio Piga. Il rappelle que la flotte de certaines compagnies low-cost en Europe ne sont plus des plus modernes et qu’il y a peut-être la possibilité de reprendre l’avantage sur ce terrain.

Des réformes qu’Air France aurait, d’après lui, mieux fait d’entreprendre il y a déjà une dizaine d’années quand le groupe français n’était pas encore pressé par la concurrence des EasyJet & Co. La crise que traverse la compagnie française est, en fait, symptomatique du retard pris par les compagnies traditionnelles pour faire face à l’émergence du low-cost.

Le gouvernement approuve le retrait de Transavia et appelle à la fin de la grève

Paris a salué la proposition de la direction d'Air France de retirer immédiatement le projet Transavia Europe et a appelé les pilotes à cesser la grève, a indiqué, mercredi soir, une source gouvernementale.

"Le geste que la direction fait maintenant [...] est un geste que le gouvernement approuve et [...] chacun doit prendre [désormais] ses responsabilités. Le gouvernement considère maintenant que la responsabilité des pilotes est de cesser le mouvement", a souligné cette source.