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Trois Français jihadistes présumés sont rentrés de Turquie sans être arrêtés

Le ministère de l'Intérieur attendait mardi trois présumés jihadistes de retour de Syrie. Il avait même annoncé leur arrestation à Orly, alors qu'ils ont débarqué à Marseille. Le ministre de la Défense parle d'un "gros cafouillage".

Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a parlé sur France info mercredi 24 septembre d'une "initiative malencontreuse" d'Ankara, après l'arrivée à Marseille, sans être inquiétés, de trois présumés jihadistes français attendus à Paris. "Il y a manifestement un gros cafouillage mais il est en grande partie dû aux difficultés, à l'absence de très bonne collaboration avec les services turcs. Ce cafouillage montre qu'il faut renforcer les relations, les méthodes et les actions avec les autorités turques", a dit le ministre.

Mardi soir, le ministère de l'Intérieur a reconnu, dans un communiqué, n'avoir pas été informé à temps d'un changement de destination de leur vol, les trois hommes étant arrivés à Marseille et non à Orly.

L'Intérieur avait pourtant annoncé en début d'après-midi que les trois personnes, dont le mari de Souad Merah, la soeur de Mohamed Merah, avaient été interpellées à Orly, près de Paris. Mais une source policière affirmait plus tard qu'en fait, les trois hommes n'avaient pas quitté la Turquie comme prévu. Dans la soirée, nouveau rebondissement : deux de leurs avocats contredisaient cette version et annonçaient qu'ils étaient "dans la nature", n'ayant pas été arrêtés à leur retour, à leur grande surprise.

Cafouillage

"La police turque devait aujourd'hui procéder à l'expulsion de trois ressortissants français, MM. Imad Jjebali, Gael Maurize et Abdelouahab Baghdali, par un vol à destination de Paris en provenance d'Istanbul", informe le service de presse de Bernard Cazeneuve dans le communiqué. "Ces trois ressortissants étaient jusqu'alors détenus en Turquie dans un centre de rétention administrative, au titre d'infractions au droit du séjour", précise-t-il. "Le pilote de l'avion ayant refusé d'embarquer ces trois passagers sur le vol initialement prévu, les services turcs ont décidé de les renvoyer en France par un vol à destination de Marseille", poursuit-le texte. "Les services français ont été informés par leurs homologues turcs de ce changement de vol après l'arrivée sur le sol français des trois ressortissants expulsés", précise-t-il, pour expliquer le cafouillage ayant entouré l'affaire.

"Le ministère de l'Intérieur a, à mon avis, dégainé un peu trop vite, a déclaré à l'AFP l’avocat d’un des trois Français, Me Apollinaire Legros-Gimbert. Ils n'ont pas du tout été arrêtés. Ils sont dans la nature, prêts à s'expliquer, à être interrogés."

Selon les défenseurs des trois suspects, "leur position aujourd'hui, c'est de dire : on n'est pas en fuite". On ignorait cependant, mardi soir, si les trois hommes se livreraient aux enquêteurs.

L’avocat Me Pierre Dunac a confirmé cette version : "Aussi incroyable que cela puisse paraître, c'est la réalité […] Ils ont voyagé avec leur passeport. Ils n'ont pas été inquiétés à leur arrivée", a-t-il assuré.

Les trois jihadistes ont "vécu l’horreur en Syrie"

Selon l'avocat de la famille Merah, les jihadistes présumés se sont livrés de plein gré à la Turquie, pour échapper à l'État islamique en Syrie. Me Christian Etelin a par ailleurs déclaré avoir été en contact à plusieurs reprises avec le compagnon de Souad, Abdelouahed Baghdali, quand celui-ci était en centre de rétention en Turquie.

"M. Baghdali et ses deux compagnons disent avoir vécu l'horreur en Syrie et ont tout fait pour en repartir", a-t-il indiqué à Reuters, ajoutant que son dernier échange téléphonique avec Abdelouahed Baghdali remontait à deux jours. "C'est l'histoire classique de jeunes Français ou Occidentaux qui rêvent d'un État islamique, d'une société établie sur des bases religieuses et qui, une fois sur place, sont effrayés par le fanatisme, les crimes et les tortures qui y sont pratiqués", a-t-il ajouté.

C'est en voulant quitter la Syrie, où ils se trouvaient depuis février-mars 2013, que les trois hommes auraient été arrêtés et jugés en tant qu'espions français selon le récit qu'Abdelouahed Baghdali a fait à Christian Etelin. "Ils sont persuadés d'avoir été condamnés à mort par l'État islamique et c'est pour cette raison qu'ils ont tout fait pour s'échapper et qu'ils se sont livrés à la police turque et ont demandé l'aide et la protection des autorités turques."

Me Christian Etelin, qui se dit aussi en contact régulier avec Souad Merah, affirme que celle-ci ne s'est jamais rendue en Syrie et qu'elle serait actuellement en Algérie. "Elle devrait revenir bientôt à Toulouse", a ajouté l'avocat toulousain.

Avec AFP et Reuters