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Quand Hollande se targue d’influencer la politique économique européenne

Le président français s’est vanté, jeudi, que la France "commence à être entendue" par Bruxelles sur les questions de politique économique. Vœux pieux ou réel regain d'influence de Paris au siège de l'Union européenne ?

Pour son quatrième grand oral devant la presse, jeudi 18 septembre, François Hollande a voulu axer son allocution sur les questions de politique internationale. Mais le président s’est tout de même laissé quelque peu entraîner sur le terrain économique, notamment européen.

“Nous commençons à être entendus”, a affirmé le chef de l’État évoquant la politique économique au niveau européen. François Hollande s’était présenté à l’Élysée en 2012 avec comme projet de détourner le lit du long fleuve tranquille de l’orthodoxie budgétaire. Deux ans plus tard, il assure donc être en passe de gagner son pari.

L’Europe semble, en effet, depuis quelque temps avoir mordu à l’hameçon des arguments français. Les dernières décisions de la Banque centrale européenne (BCE) ont entraîné une baisse de l’euro par rapport au dollar, ce qui aurait rempli d’aise Arnaud Montebourg s’il était toujours ministre de l’Économie. Quant à la nouvelle commission européenne du luxembourgeois Jean-Claude Juncker, elle a annoncé, début septembre, un plan de relance européen de 300 milliards d’euros sur trois ans. Cette priorité affichée est davantage en accord avec les revendications françaises qu’avec la ligne défendue depuis des années par l’Allemagne.

Bruxelle se serait réellement convertie au hollandisme économique au grand dam d’Angela Merkel ? Pas si vite. Décryptage :

La BCE suit-elle les prescriptions françaises ? “La BCE n’a pas attendu François Hollande pour se rendre compte qu’il y avait une inflation trop faible dans la zone euro et qu’il fallait faire quelque chose”, remarque Christophe Blot, économiste spécialiste de l’Europe à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques).

Cet expert souligne, en outre, que la BCE est - dans les textes comme les faits - indépendante du pouvoir politique et plus que difficile à influencer... même si on s’appelle François Hollande. En fait, les décisions de l’institution de Francfort, baisse des taux d’intérêt ou encore rachats de titres, vise à lutter en priorité contre le risque déflationniste et “la baisse de la valeur de l’euro n’a pas été un argument mis en avant par Mario Draghi”, rappelle Christophe Blot.

Une commission européenne à la sauce hollandiste ? La nouvelle commission européenne s’est formée sur fond d’intenses tractations entre les membres du parti socialiste européen (PSE - centre gauche) et ceux du parti populaire européen (PPE - centre droit). “La priorité affichée en faveur d’un plan d’investissement par la nouvelle équipe semble montrer que la voix française, porté par les socialistes européens, a porté”, remarque Christophe Blot.

François Hollande appelle, en effet, depuis 2012 à une relance au niveau européen qui viendrait contrebalancer les effets négatifs des coupes budgétaires en France. Jusqu’à présent, Bruxelles s’était certes engagé à faire plus pour la croissance mais de manière très formelle.

Cette fois-ci, la Commission a évoqué un objectif chiffré très précis et ambitieux. Mais est-ce vraiment tellement différent ? “On ne sait pas encore de quel genre d’investissements - publics ou privés - il est question et si l’Europe va mettre de l’argent sur la table ou simplement offrir une garantie bancaire”, précise Christophe Blot.

Bruxelles n’a pas non plus abandonné sa “mission” de rigueur budgétaire. “Angela Merkel pourrait tout aussi bien dire en Allemagne que la Commission l'a entendu”, affirme Christophe Blot. Le test sera de voir dans quel sens la Commission va pencher lorsque l’objectif de relance de l’investissement se heurtera avec la nécessité de garder le cap budgétaire. C’est alors que la France pourra constater si François Hollande a été simplement entendu ou réellement écouté.