
Fait historique cette année, les principaux syndicats défilent sous la même bannière. Plus importante que les 1er Mai précédents, la mobilisation reste plus faible que celle du 19 mars. A Paris, les syndicats annoncent 160 000 manifestants.
"Les catholiques vont à Lourdes, les musulmans à la Mecque, les syndicalistes… au 1er Mai. " Michel, 61 ans et informaticien CGT à la retraite, n’en est certes pas à son premier défilé. Mais ce 1er Mai 2009 revêt pour lui un enjeu particulier. " Sarkozy n’a pas la bonne réponse à la crise. Il donne délibérément de l’argent aux riches, regardez le bouclier fiscal. J’espère qu’il y aura le plus de monde possible pour montrer notre mécontentement ."
La place Denfert-Rochereau, d’où part le cortège parisien, semble répondre à ses attentes. Une forêt de drapeaux s’agite dans le ciel bleu, les brins de muguet côtoient les messages à caractère politique, et le mot d’ordre à la bouche de chacun est : " Unité". De fait, les huit organisations syndicales ont décidé, pour la première fois depuis la Libération, de faire front commun face à la crise.
Leaders syndicaux et politiques ont naturellement pris la tête du défilé, sous la banderole : "Ensemble face à la crise, défendons l'emploi, le pouvoir d'achat et les services publics, arrêt des suppressions d'emploi, augmentation générale des salaires et des pensions".
"Rêve générale"
Derrière, c’est une ambiance bon enfant qui prévaut. Pas de slogan scandé, pas de hauts cris de colère non plus, mais un autocollant distribué sur place et qui fait fureur. Il y est écrit : "Rêve générale", en forme de jeu de mot sur "grève générale", que certains ici appellent de leur vœu.
Jean-Pierre, l’une des petites mains du collectif "Ne pas plier" qui a créé ce tract, est tout sourire. Ce professeur émérite à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines se réjouit de ce succès. "C’est symbolique de ce que cette manifestation est porteuse d’objectifs de lutte et de revendications mais aussi, au-delà, de l’aspiration à une autre façon de vivre ensemble", estime-t-il.
Chemise blanche, baskets, bière et sandwich à la main, Thomas, 28 ans, marche l’allure tranquille. C’est son premier 1er Mai. Il dit être venu par "solidarité". Vendeur dans un magasin de déco, il lui a paru indispensable de venir témoigner du "sentiment d’injustice". "Les bonus, les profits, c’est toujours les mêmes qui en profitent."
"Moi, cela faisait très longtemps que je n’étais pas venue manifester un 1er Mai", sourit Nicole, 71 ans, venue, comme beaucoup aujourd’hui, en famille. "On a un gouvernement qui ne sait pas nous écouter. On fait tout pour les riches, les patrons, rien pour la base, ni pour les retraités et encore moins pour les travailleurs", explique-t-elle, entourée de sa fille et ses petites-filles, dont la dernière a récemment découvert les mouvements étudiants.
A Paris, de 65 000 à 160 000 manifestants
Toutes générations confondues, les étudiants, les fonctionnaires et les salariés du privé marchent de concert en direction de la place de la Bastille. Il y a Saïku, étudiant de l’université Bretagne-Sud, monté à Paris pour faire entendre la voix des étudiants salariés, Natacha, éducatrice, inquiète que l’on "recentre ses missions sur le contrôle et les jeunes délinquants, et non plus la prise en charge des jeunes en danger", Christian, salarié d’Air France, "une entreprise qui va supprimer 3 000 postes et externalise à l’étranger".
Le défilé est aussi l'occasion pour certains d'exprimer des revendications autres. Impressionnants par leur mobilisation, plusieurs milliers de Tamouls dénoncent, drapeaux et tracts à la main, un "génocide" de civils par l'armée sri-lankaise. "On demande que les journalistes puissent entrer sur place, et qu’un couloir pour l’aide humanitaire soit mis en place", précise Berlinee, 21 ans.
Debout sur le trottoir, Mattéo, 42 ans, regarde passer le cortège. De nationalité italienne, vivant en Espagne, il est de passage à Paris pour quelques jours. "Dans toute l’Europe, on sait que les manifestations en France sont plus fortes qu’ailleurs, et j’étais curieux de voir de moi-même. Je suis très impressionné par la participation."
Le défilé parisien a rassemblé 65 000 personnes selon la police et 160 000 selon les syndicats. C’est beaucoup plus qu’au 1er Mai 2008 (15 000 à 30 000), mais nettement moins que la journée de mobilisation du 19 mars (85 000 à 350 000).