Depuis le départ en retraite du roi du manga, Hayao Miyazaki, le studio d’animation mythique Ghibli, qui a porté tous les grands succès du cinéaste nippon, vit des heures sombres et pourrait même mettre la clé sous la porte.
Ghibli survivra-t-il à son réalisateur-star ? Moins d’un an après l’annonce du départ en retraite de Hayao Miyazaki, le studio mythique, co-fondé en 1985 par le maître de l’animation japonaise, suspend sa production de longs-métrages.
“Pour le moment, nous allons faire une courte pause pour examiner quelle direction prendre”, a déclaré, dimanche 3 août, Toshio Suzuki, président de l’empire Ghibli.
Les pôles télévision et pub maintenus
Le studio basé à Tokyo devrait toutefois maintenir son pôle publicité ainsi qu’une équipe dédiée aux futurs “petits projets” de Hayao Miyazaki. Le département télévision qui travaille actuellement à une adaptation du roman "Ronya, Fille de brigand" d’Astrid Lindgren en série télévisée, sera également conservé.
“Quand Marnie était là”, sorti le mois dernier au Japon, pourrait donc être le dernier film de Ghibli. En presque deux décennies de succès, le studio aura produit une vingtaine de longs-métrages, depuis son premier grand triomphe au Japon en 1988. Ghibli le rencontre avec “Mon voisin Totoro” qui fait accéder Hayao Miyazaki au rang de star au Japon.
Bande annonce de "Mon voisin Totoro"
Une dizaine d'années plus tard, c’est la reconnaissance internationale avec "Princesse Mononoké" (1997) suivie d’une consécration de la profession grâce au "Voyage de Chihiro" (2001), récompensé par un Oscar et un Ours d’or à Berlin.
Bande annonce de "Princesse Mononoké"
Bande annonce du "Voyage de Chihiro"
Porté par Hayao Miyazaki, Ghibli est alors en pleine apogée. Le studio offre une nouvelle jeunesse au "Château dans le ciel" avec une sortie au début des années 2000 dans plusieurs pays, alors qu'en 1986 le film avait été boudé. En France, "Château dans le ciel" est sorti en 2003, soit 17 ans après son arrivée dans les salles obscures japonaises.
Bande annonce du "Château dans le ciel"
“Ghibli va s'effondrer, c’est inévitable”
Après plusieurs faux départs, Hayao Miyazaki annonce l’année dernière que “Le vent se lève” sera son dernier long-métrage. Le film rapportera 120 millions de dollars (90 millions d’euros) au box-office. C’est à ce moment que l’ère post-Miyazaki était censée prendre le relai. Mais avec seulement 36 millions de dollars (27 millions d’euros) de recettes, “Quand Marnie était là” fait pâle figure. Les fans commencent sérieusement à penser qu’en se retirant, Hayao Miyazaki a emporté avec lui l’âge d’or de Ghibli… Et le départ simultané d'Isao Takahaka – l’autre père fondateur de Ghibli - ainsi que l’arrêt des activités de producteur de Toshio Suzuki n’ont fait qu’enfoncer le clou. Depuis des mois déjà, les rumeurs de la fermeture du studio allaient bon train. Elles avaient même été alimentées par Hayao Miyazaki en personne : “Le futur est clair. [Ghibli] va s’effondrer, je le vois déjà, c’est inévitable”.
Chez Ghilbi, en revanche, on persiste à simplement parler de “faire une pause” et de la nécessité d’engager une “restructuration”. À l’heure où l’animation numérique domine largement le marché mondial, et où une nouvelle génération doit faire sa place au sein du studio, le challenge est de taille. Les fans s’inquiètent plus que jamais et les critiques dans la presse laissent peu d'espoir. Parce que le rayonnement international de l'économie japonaise a décliné ces dernières décennies, sa domination culturelle a naturellement suivi le même chemin et s’est étiolée, estime ainsi Brandon Ambrosino, critique cinématographique pour le site américain Vox.com. “Et de la même manière, Ghibil, qui surfait jadis sur l’influence grandissante de l’esthétique nipponne, risque bien de devenir le lointain souvenir d’une excellence passée…”