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Karim Wade est accusé d'avoir détourné 178 millions d'euros du temps où il était conseiller, puis ministre de son père, président du Sénégal. Alors que son procès s'ouvre ce jeudi à Dakar, ses avocats dénoncent une manœuvre politique.

Le fils de l'ancien président du Sénégal Abdoulaye Wade, Karim, en détention préventive depuis 15 mois, est jugé à partir de ce jeudi 31 juillet à Dakar pour "enrichissement illicite" du temps où il était conseiller, puis ministre de son père.

"Karim est en très bonne forme" avant son procès, a déclaré à l'AFP un de ses avocats, Me El Hadj Amadou Sall, par ailleurs membre influent du Parti démocratique sénégalais (PDS), l'ancien parti au pouvoir toujours présidé par Abdoulaye Wade.

Le fils de l'ex-chef de l’État, au pouvoir durant 12 ans (2000-2012) est accusé d'avoir illégalement acquis 178 millions d'euros par le biais de montages financiers complexes. Une somme qui, selon l'accusation, se trouverait aujourd'hui dans des paradis fiscaux, dont Monaco, Singapour ou les Îles vierges britanniques.

Ce patrimoine présumé comprend notamment 69 millions d'euros détenus sur un compte en banque à Singapour. Environ 70 millions d'euros seraient répartis dans trois sociétés, gérées par des prête-noms et domiciliées au Luxembourg et à Monaco. Enfin, 11 millions d'euros seraient placés dans des sociétés au Sénégal dont Karim Wade serait le réel bénéficiaire.

Deux millions d’euros de patrimoine, selon la défense

Les avocats de Karim Wade affirment à FRANCE 24 détenir de documents qui dédouanent leur client. "Les autorités des Îles vierges britanniques viennent d'attester que cette société est fantôme, et qu'elle n'a jamais existé ou été enregistrée chez elles, assure Me Mohamed Seydou Diagne, l'un des avocats de Karim Wade. D'un autre côté, nous avons la preuve par des autorités bancaires très honorables qu'aucun virement ne peut être effectué sur le compte de Singapour, pour la simple raison que ce compte n'existe pas et que son bénéficiaire n'existe pas."

Pour la défense, le patrimoine du fils Wade s’élève à environ deux millions d'euros, une fortune constituée pour l'essentiel lors de ses activités de trader en Europe avant qu’il ne devienne conseiller, puis puissant ministre de son père.

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Avant qu'Abdoulaye Wade ne soit largement battu au second tour de la présidentielle le 25 mars 2012 par l'actuel chef de l'État Macky Sall, Karim, âgé de 45 ans, cumulait les ministères de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l'Énergie, ce qui lui avait valu alors d'être appelé "Ministre du ciel et de la terre".

Arrêté en avril 2013 à Dakar, Karim Wade est resté depuis dans une cellule de la prison principale de la capitale sénégalaise, en dépit de plusieurs demandes de remise en liberté de ses avocats, toutes rejetées.

"Procès de la honte"

Pour les avocats de Karim Wade, la décision prise en juin par le parquet financier de Paris de classer sans suite une plainte de l'État du Sénégal contre leur client pour recel de détournement de fonds publics, recel d'abus de biens sociaux et de corruption en France constitue une preuve de son innocence. "Tout est mis en œuvre pour se débarrasser d'un potentiel adversaire politique pour la prochaine élection [présidentielle]", estime Me Mohamed Seydou Diagne.

Le procès de Karim "est un procès de la honte destiné à éliminer un adversaire politique" avant la prochaine élection présidentielle théoriquement prévue en 2017, juge de son côté Me El Hadj Amadou Sall, qui parle de "chasse aux sorcières". La défense en veut pour preuve le jugement de Karim Wade par une cour spéciale, la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI).

Cette cour, qui était en sommeil depuis des années, a été réactivée par le président Macky Sall après son élection en 2012, afin de poursuivre les responsables de l'ancien régime soupçonnés de malversations. Plusieurs organisations internationales et nationales de défense des droits de l'Homme ont regretté que "la lutte légitime contre la corruption soit menée par une juridiction ayant tous les attributs d'une juridiction d'exception violant les droits de la défense des personnes inculpées et ne garantissant pas le droit à un procès équitable".

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Abdoulaye Wade, âgé de 87 ans, personnage charismatique coutumier des coups d'éclat et des déclarations fracassantes du temps de sa présidence, a effectué un retour théâtral le 26 avril à Dakar après près de deux ans d'absence, en grande partie pour y soutenir son fils, mais aussi pour reprendre en mains un PDS affaibli et miné par les divisions. Il a accusé son successeur Macky Sall d'avoir "utilisé l'idée de la traque des biens mal acquis pour combattre Karim, le faire condamner, le priver de ses droits civiques pour qu'il ne se présente pas" à la prochaine présidentielle.

Avec AFP