L’Argentine et les deux fonds spéculatifs américains lui réclamant plus d'un milliard de dollars ne sont pas parvenus à un accord, mercredi, à New York. Pour la deuxième fois en 13 ans, Buenos Aires se retrouve en défaut de paiement.
Treize ans après sa faillite retentissante, l’Argentine va faire face à un nouveau défaut de paiement. Mercredi 30 juillet, le ministre argentin de l’Économie, Axel Kicillof, et les deux fonds spéculatifs, NML et Aurélius, qui réclament 1,33 milliard de dollars à Buenos Aires, ne sont pas parvenus à trouver un terrain d’entente.
"Malheureusement, aucun accord n'a été conclu, et la République d'Argentine va se retrouver de façon imminente en situation de défaut", a indiqué le médiateur américain dans ce dossier, Daniel Pollack, mercredi soir à New York, où se sont déroulés les deux jours de discussions. "Je souhaite déclarer que nous leur avons fait une offre applicable immédiatement, qui leur permettait d'obtenir 300 % de profit, a assuré Axel Kicillof. Mais ce sont des groupes financiers qui cherchent à obtenir une somme aussi élevée que possible. Nous leur avons offert une solution viable et applicable immédiatement qu'ils n'ont pas acceptée. Ce qu'ils demandent est impossible pour l'État d'Argentine."
itLe suspense a donc duré jusqu’au bout. Le versement par l’Argentine de 539 millions de dollars (401 millions d’euros) d’intérêts à plusieurs créanciers privés, qui devait intervenir avant la fin du mois de juillet, avait été bloqué par la justice américaine. Un tribunal de New York avait estimé, en juin, que le pays devait d’abord régler son différend avec les deux fonds spéculatifs.
Fonds "vautours"
La présidente argentine, Cristina Kirchner, avait eu beau s’émouvoir de ce "chantage au défaut de paiement", la décision du tribunal new-yorkais avait été validée, le 16 juin, par la Cour Suprême des États-Unis. Depuis lors, le gouvernement argentin était entré en résistance contre le système judiciaire américain et les deux fonds "vautours".
NML et Aurélius ont, de leur côté, tenus bon. L’argent qu’ils réclament correspond à une fraction des 100 milliards de dollars (74 milliards d’euros), que la troisième puissance économique d’Amérique latine n’avait pas pu payer en 2001. Les deux fonds spéculatifs font partie des 7 % de créanciers qui n’ont pas accepté les termes des deux compromis négociés en 2005 et 2010, censés mettre l’Argentine et ses créanciers d’accord pour solder la débâcle financière de 2001.
Ils avaient refusé, contrairement à l’écrasante majorité des autres détenteurs de dette argentine d’accepter une réduction de 70 % de la valeur de leur créance. En fait, NML et Aurélius, deux fonds spécialisés dans le recouvrement de dettes des États souverains, ont voulu jouer au plus fin et ont donc gagné. Ils ont, en effet, racheté à prix cassé la dette argentine à des créanciers lassés d’attendre un remboursement. Ainsi, NML réclame actuellement 800 millions de dollars pour des bons du trésor achetés 50 millions de dollars en 2008.
La vraie victime : "l’Argentin de la rue"
Pour l’Argentine, ce nouveau défaut de paiement n’est pas aussi grave que celui de 2001, mais les conséquences économiques ne devraient pas être négligeables. Pour Daniel Pollack, les conséquences d'un tel défaut sont imprévisibles, et certainement pas bonnes. Il ne s'agira "pas d'une simple mesure technique, mais plutôt d'un événement concret et douloureux qui touchera des gens", a-t-il ajouté. La "vraie victime, au bout du compte, ce sera l'Argentin de la rue".
Selon le cabinet de conseil économique argentin Abeceb, le PIB du pays devrait baisser de 3,5 %. Autres désagréments à prévoir : une fuite des capitaux étrangers, une baisse des dépenses de consommation de plus de 3 % et une explosion de l’inflation, qui pourrait alors atteindre 41 %.
Le défaut de paiement peut, en outre, entraîner une avalanche d’autres "primes" à payer à tous les investisseurs qui ont souscrit des assurances contre la faillite de l’Argentine. D’après la chaîne américaine Bloomberg, Buenos Aires pourrait alors devoir payer plusieurs dizaines de milliards de dollars. Le pays n’ayant qu’environ 30 milliards de dollars de réserves, le "simple" défaut de paiement pourrait alors se transformer en faillite généralisée.