Depuis le début de l'offensive des djihadistes menés par l’EIIL, les chrétiens d'Irak sont la cible de persécutions et contraints à l'exode. Aujourd'hui, les chrétiens de Mossoul ont tous fui, s'alarment les associations. État des lieux.
"C'est la valise ou le cercueil". C'est le triste sort auquel sont réduits les Chrétiens d'Irak depuis que les djihadistes de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) ont pris, en juin, le contrôle d’une partie du pays, et notamment de Mossoul, résume sur France 24 l'historien Odon Vallet. "L'EIIL a inscrit sur leur maison un ن, qui signifie "Nazaréens", c'est-à-dire chrétiens. Ce sigle fait penser à l'étoile jaune portée par les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale", poursuit-il.
La population a donc choisi de quitter la ville. "Il n'y a plus de chrétiens déclarés à Mossoul", se désole le Père Sabri Anar, membre du comité de soutien aux Chrétiens d'Irak (CSCI), au micro de France 24. "L'EIIL leur a coupé l'eau et l'électricité alors qu'il fait actuellement 40°C", poursuit-il.
Chrétien décapité, églises détruites
Les résidents de Mossoul et les combattants de l’EIIL ont "fêté la disparition de toute présence chrétienne dans la ville", ajoute l'organisation non gouvernementale d'obédience évangélique, Portes ouvertes. L'association fait également état de persécutions de la population : un chrétien a été décapité devant sa femme, une famille a été spoliée de tous ses biens "jusqu’aux 15 centimes d’argent de poche de leur enfant" ; une femme a failli avoir le doigt coupé afin de récupérer son alliance. L’ Église du Saint-Esprit, dans l'est de Mossoul, et l’Église de la Vierge Marie, dans le quartier de Tamin, ont également été détruites. Dans les autres sites chrétiens, les croix ont été enlevées pour y aposer le drapeau noir de l'EIIL.
Forcés de partir ou de payer l'impôt des non musulmans, la "jizya", sous peine de mort, au moins 3 000 familles ont rejoint le Kurdistan irakien voisin. Dans cette région, la communauté chrétienne s'est développée depuis une dizaine d'années sous l'effet des persécutions qui ont suivi la chute de Saddam Hussein.
"L'Irak est leur pays"
Face à cet exode massif, le CSCI appelle la communauté internationale ainsi que l'ONU à agir, et notamment à soutenir le gouvernement irakien, fragilisé par l'EIIL. Pour l'heure, la France s'est dite prête à accueillir la population exilée, qui peut retirer des demandes d'asile au consulat de France à Bagdad ou Erbil, capitale du kurdistan irakien. Paris a également débloqué une enveloppe de 40 000 euros pour aider les familles. Certains établissements scolaires en Ile-de-France sont également favorables à l'accueil des enfants irakiens.
Mais "il ne faut pas favoriser le départ de cette communauté", souligne le Père Sabri Anar. "Il faut les aider à rester". "L'Irak est leur pays, ils ont construit la civilisation mésopotamienne, ils ont oeuvré pour la construction de l'Irak". Les chrétiens, en très grande majorité issus de la communauté chaldéenne (une des Églises catholiques d'Orient), représentaient 10 % de la population irakienne au début du XXe siècle. Ils étaient 1,5 million avant la première guerre du Golfe, ils ne seraient plus que 400 000 aujourd'hui. À Mossoul, la population chrétienne qui s'élevait à environ 100 000 personnes il y a dix ans, était estimée à 5 000 avant la prise de la cité par les djihadistes.
Une émission préparée par Anthony Saint-Léger, Cécile Khindria et Pauline Heilmann.