
Condamné à mort dans l’Arizona, John Wood a agonisé pendant près de deux heures avant de mourir par injection létale, mercredi. Un supplice sans précédent qui relance la polémique sur la peine de mort aux États-Unis.
Cent-dix huit minutes d’agonie, de suffocations, de râle. Joseph Wood, 55 ans, condamné à la peine de mort pour le double meurtre de son ex-petite amie et du père de celle-ci en 1989, a mis près de deux heures à mourir, mercredi 23 juillet, dans la prison de l’État d’Arizona, dans la petite ville de Florence.
L’injection du produit a été faite à 13h52 ; il n’a été déclaré mort qu’à 15h49, ont indiqué les services du procureur de l’Arizona. Une exécution interminable où Joseph Wood a "haleté", "grogné", "suffoqué et cherché sa respiration pendant environ une heure et quarante minutes", selon le témoignage de son avocat Dale Baich.
Plainte de ses avocats en cours d’exécution
Dans l’intervalle, ses avocats ont déposé un recours en urgence devant la justice fédérale pour faire arrêter l’exécution , espérant qu’un traitement médical lui soit administré. Ils avaient fait valoir que le droit constitutionnel du condamné à être exécuté sans avoir à subir un "châtiment cruel et inhabituel" n’était pas respecté. Sans succès. L’homme est mort dans ses souffrances.
"Il semble que l’Arizona ait rejoint plusieurs autres États qui sont responsables d’une horreur qui était tout à fait évitable : une exécution bâclée. Le public devrait tenir ses représentants pour responsables", a dénoncé son avocat Dale Baich à l’issue de l’exécution.
La gouverneure de l’Arizona Jan Brewer a ordonné une enquête sur les circonstances de l’exécution, confiée aux services pénitentiaires, tout en estimant que justice avait été faite. Elle a ajouté que la comparaison ne pouvait être faite avec " la souffrance horrible et brutale que [Joseph Wood] avait fait endurer à ses deux victimes – et la souffrance à vie qu'ont éprouvée leurs familles" .
Une horreur prévisible Si l’horreur était évitable, c’est parce qu’elle était prévisible. Joseph Wood avait poursuivi l’État d’Arizona le mois dernier, contestant le secret autour des produits utilisés dans les exécutions. En l'absence d'informations sur les produits utilisés et sur les qualifications des personnels chargés de les injecter, il avait dénoncé les risques de souffrance liés à son exécution.
Mais Wood n'a pas eu gain de cause. On lui a administré les mêmes produits que ceux utilisés lors d'une exécution en janvier, dans l'État de l'Ohio, où le condamné avait agonisé pendant 26 minutes. Les autorités de l'Ohio avaient, en l'occurrence, utilisé un mélange d'anesthésiant midazolam et d'hydromorphone, un dérivé de la morphine.
Dans les 32 États où la peine de mort est en vigueur , ces cocktails sont mis au point par des préparateurs en pharmacie non homologués, depuis le refus des fabricants européens d'en fournir à des fins d'exécution.
"Les États-Unis en ont assez de la barbarie"
Les organisations de défense des droits de l’Homme et les partisans de l’abolition de la peine de mort ont fait part de leur horreur face à cette exécution interminable. Pour Cassandra Stubbs, directrice de l’American Civil Liberties Union’s Capital Punishment Project, l’Arizona a violé la Constitution. "Il est temps pour l’Arizona et les autres États qui utilisent encore l’injection létale de reconnaître que cette expérience avec des produits non fiables est un échec", déclare-t-elle dans un communiqué.
Cette exécution n’est pas la première à faire polémique aux États-Unis. En janvier, Dennis McGuire, condamné pour viol et meurtre, avait mis 25 minutes à mourir par injection. En Oklahoma au mois d’avril, Clayton Lockett s’était tordu de douleur et une aiguille s’était détachée durant son injection létale. L’exécution avait été interrompue mais le condamné était mort trente minutes plus tard d’une attaque cardiaque.
"Les Américains en ont assez de la barbarie", a déclaré Diann Rust-Tierney, directrice exécutive de la Coalition nationale pour l’abolition de la peine de mort qui estime que les États-Unis sont " tout simplement incapables de mettre en œuvre la peine capitale de manière humain e".
Avec AFP, AP, Reuters