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Bagdad accusé d'utiliser des "barrel bombs" contre sa population

L’ONG Human Rights Watch accuse le gouvernement irakien de faire usage de "barrel bombs", des armes particulièrement meurtrières, contre des populations civiles. Bagdad est engagé dans une violente lutte contre les djihadistes de l’EIIL.

Bagdad utiliserait des "barrel bombs" sur son propre territoire. Ces armes, artisanales et sans système de viseur perfectionné, sont particulièrement redoutables : elles sont fabriquées à partir de barils d’huile ou de réservoirs d’eau remplis de TNT, un explosif très puissant. Parfois chargées de morceaux de métaux pour être plus assassines, elles sont lancés presque "à l’aveugle".

Dans un rapport publié le 22 juillet, Human Right Watch (HRW) accuse le gouvernement irakien d’en faire usage dans sa lutte contre les djihadistes de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL). L’ONG recense 75 civils irakiens tués, et des centaines de blessés dans les villes irakiennes de Falluja, Mossoul, Baiji, Tikrit et al-Sherqat, depuis le mois de juin 2014. Ces puissantes bombes artisanales auraient été utilisées dans au moins six attaques. D’après HRW, le gouvernement irakien dispose d’hélicoptères, de jets mais aussi d’avions de marchandises qui largueraient ces explosifs, tuant sans discrimination.

Les civils, premières victimes des "barrel bombs"

Ces "barrel bombs" causent des explosions massives, provoquant d’importants dégâts, soufflant les habitations et piégeant les victimes – souvent civiles – sous les décombres. Leur utilisation est reconnaissable aux profonds cratères qu'elles creusent.

À Mossoul, le 9 juillet dernier, rapporte un témoin à HRW, un avion à hélices blanc ressemblant à un cargo ou un avion de transport de passagers a largué une de ces bombes artisanales. L'impact a eu lieu près d'une rivière où se rafraichissait des centaines d'hommes et d'enfants alors qu'il faisait très chaud ce jour-là à Mossoul. "Il ressemblait à un de ces Airbus qu'on voit dans les aéroports, raconte un autre témoin à HRW. J'ai entendu le bourdonnement puis une explosion sur la rive droite [...] Il n'y avait que des gens dans cette rivière, des simples habitants ». L'attaque aurait fait au moins 20 morts d'après HRW. Le service médical qui a traité les blessés a déclaré que l'explosion était d'une telle puissance qu'il leur a été impossible d'identifier certains corps.

Une arme utilisée par Bachar al-Assad

Ce genre d’explosif a été utilisé en Syrie par l’armée de Bachar al-Assad, sur la ville d’Alep notamment, tuant plus de 150 personnes lors d’une attaque en février 2014. Une opération dénoncée par le secrétaire d’État américain John Kerry, qui l’avait qualifiée de "barbarie".

Pour l’Irak, HRW demande aux États alliés de Bagdad de réagir. "Le gouvernement irakien doit immédiatement stopper ces attaques aléatoires dans des quartiers d’habitation. Les gouvernements étrangers qui fournissent du matériel militaire et de l’assistance à l’Irak devraient soumettre la poursuite de leur aide à la condition que les forces armées irakiennes obéissent aux lois humanitaires internationales, et stoppent ces actions qui méprisent les répercussions du conflit sur les populations civiles". Les États-Unis sont directement concernés puisqu'ils soutiennent le gouvernement de Nouri al-Maliki et ont envoyé des missiles anti-chars, des munitions et des drones de surveillance à leur allié irakien pour lui permettre de repousser l’offensive des djihadistes de l’EIIL, qui contrôlent une partie du pays.

Le gouvernement irakien, une première fois interpellé par le département d’État américain pour l’usage de ces "barrel bombs", avait nié en avoir fait usage mais avait, sur le terrain, diminué leur utilisation, affirme HRW. Mais depuis le début du mois de juillet, face à l’avancée des troupes de l’EIIL en Irak, Bagdad a repris de plus belle les bombardements.

Les civils paient un lourd tribut

Plusieurs témoins ont rapporté à HRW que lors des attaques de l’armée visant l’EIIL, aucun combattant ne se trouvait dans l’aire visée et aucune trace de combats n’y avait été signalée avant et au moment des attaques."Le gouvernement irakien combat une insurrection violente, mais ça n’est pas une raison pour tuer des civils partout où ils pensent que les combattants de l’EIIL se cachent" a dénoncé, Joe Stork, le directeur de la division Moyen-Orient de HRW.

Selon les lois internationales, rappelle Human Rights Watch, aucune partie ne doit utiliser les populations civiles comme bouclier. L’EIIL déploie sciemment ses forces dans, ou à proximité, des aires peuplées de civils, au mépris de la sécurité des populations.