Chapeautés par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, deux projets de loi sur l’asile et sur l’immigration sont présentés ce mercredi en Conseil des ministres. Des réformes qui mécontentent les défenseurs des droits des étrangers.
La réforme du droit des étrangers commence déjà à faire débat en France. Mercredi 23 juillet, le ministre de l'Intérieur présente les deux projets de loi - l'un portant sur l'asile, l'autre sur l'immigration - qu'avait préparés son prédécesseur, Manuel Valls. Des réformes significatives qui entendent répondre à plusieurs dysfonctionnements du système d’immigration en France.
À savoir, d’abord, l'engorgement du système d'asile. Depuis sept ans, le nombre des demandeurs a presque doublé, pour atteindre plus de 66 000 en 2013. Les structures d'hébergement sont, elles, totalement saturées et la moitié des demandeurs doivent se débrouiller par leurs propres moyens. Une situation qui a conduit à l'ouverture de squats dans certaines régions, comme à Lyon ou à Grenoble. Et comme, en plus, le traitement des demandes prend deux ans en moyenne, cela complique ensuite l'expulsion des déboutés. Le premier objectif de la réforme est donc de raccourcir ce délai pour le ramener à neuf mois en procédure normale, à l'horizon 2017.
Pour ce faire, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui instruit les demandes, pourra placer en "procédure accélérée" les dossiers qui lui semblent abusifs. La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) devra quant à elle juger les recours en cinq mois, contre huit aujourd'hui.
En ce qui concerne l'hébergement, le projet de loi prévoit de répartir les demandeurs sur l'ensemble du territoire et de supprimer les allocations aux étrangers qui refuseraient de se rendre dans un lieu donné, ou qui l'abandonneraient.
"Passeport talents", titre pluriannuel
La réforme propose par ailleurs la création d’un nouveau titre de séjour, le "passeport talents". Valable quatre ans, il devrait remplacer les nombreux titres existants pour les travailleurs, comme la carte bleue européenne, le titre scientifique, artiste... Une mesure censée remédier au nombre jugé trop peu élevé de professionnels qualifiés parmi les 200 000 étrangers hors Union européenne que la France accueille légalement chaque année.
Par ailleurs, un autre constat a fait réagir le gouvernement : l'obligation de renouveler son titre de séjour tous les ans, qui crée d'immenses files d'attente en préfecture et complique le quotidien des étrangers. Étant donné que 99 % des demandes de renouvellement sont acceptées, le ministère de l'Intérieur suggère de délivrer automatiquement une carte de séjour allant de deux à quatre ans après le premier titre d'un an. Ce titre pluriannuel ne sera toutefois délivré que si l'étranger a bien suivi ses cours de français. La délivrance d'une carte de résident après les cinq premières années sera, elle, conditionnée à la capacité à lire et à comprendre des textes simples.
La France doit demeurer une "terre d'immigration et une terre d'asile", car "les pays refermés sur eux-mêmes sont condamnés au déclin", a expliqué Bernard Cazeneuve dans un entretien à "Libération".
Grincements de dents
Ces annonces ont suscité des grincements de dents chez les défenseurs des étrangers. Le projet de loi reste "marqué par l'obsession de la lutte contre l'immigration irrégulière et l'injonction à 'l'intégration', et n'apporte pas de progrès substantiels sur le terrain des droits fondamentaux", a taclé le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti).
L’association la Cimade a quant à elle estimé que le gouvernement avait fait le choix de "la continuité dans la répression" par rapport aux précédents exécutifs.
Pour sa part, la droite tique sur les titres pluriannuels et sur et sur une autre mesure, selon laquelle l'assignation à résidence est préférée au placement en rétention avant d'éloigner un sans-papiers.
"C'est une loi éminemment de gauche, que je revendique comme telle et que je défendrai avec beaucoup de force et de conviction au Parlement face à toutes les outrances", a pour sa part prévenu Bernard Cazeneuve mercredi matin sur France Inter.
Avec AFP