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Tour de France : Thibaut Pinot, une dose de "combativité", une dose de "déconne"

Sur le Tour de France mardi, le Français Thibaut Pinot s'est emparé du maillot blanc et s'est offert la 3e place du classement provisoire. Pour le sélectionneur national Bernard Bourreau, il pourrait rester sur le podium jusqu'à Paris.

Depuis plusieurs jours sur le Tour de France, les médias se passionnent pour la rivalité entre les deux grands espoirs du cyclisme français : Romain Bardet (AG2R) et Thibaut Pinot (FDJ). Ce dernier a pris l'avantage en s'emparant de la troisième place provisoire et du maillot blanc de meilleur jeune à la fin de la 16e étape, mardi 21 juillet. Le coureur de la FDJ a frappé un grand coup dans cette première étape des Pyrénées en mettant en difficulté ses principaux adversaires. Le sélectionneur de l'équipe de France de cyclisme, Bernard Bourreau, connaît très bien Thibaut Pinot : il le suit depuis des années. Selon lui, le champion de 24 ans ne fait que monter en puissance.

FRANCE 24 : Vous attendiez-vous à cette démonstration de Thibaut Pinot aujourd'hui, durant l'étape entre Carcassonne et Bagnères-de-Luchon ?

Bernard Bourreau : Ce n'est pas une surprise. Il a fait preuve de beaucoup de combativité. Aujourd'hui, il a profité de l'affaiblissement de ses adversaires, [Alejandro] Valverde, [Tejay] Van Garderen et [Jürgen] Van den Broeck. Je pense que Thibaut, par rapport à Romain Bardet, a peut-être plus de réserves. Après une étape de repos, il y a des organismes qui ont du mal à se relancer. Pour des gens qui sont fatigués ou malades, c'est très bien. Mais pour ceux qui sont en plein pic de forme, cela peut être plus négatif. Cela casse le rythme des coureurs. Quelques fois, le lendemain, on a les jambes lourdes. Je suis un peu inquiet pour Romain : il a faibli aujourd'hui, j'espère que cela reste momentané. Pour Thibaut, au contraire, il va en pente montante. Depuis le départ de ce Tour, il a toujours été supérieur à Romain. À la Planche des Belles-Filles , il était devant. Pareil à Chamrousse. C'est de bonne augure pour les deux jours qui suivent.

F24 : Durant le Tour 2013, Thibaut Pinot avait abandonné avant la 16e étape, terrassé par une angine. Il avait reconnu avoir été incapable de gérer la pression autour de lui. Cet échec l'a-t-il aidé à avoir plus de maturité?

B. B. : Oui, je pense. L'année passée a été une expérience très difficile à vivre, mais cela l'a endurci. C'est dans les moments les plus difficiles que l'on se remet en question et qu'on apprend le mieux. L'année d'avant, il avait terminé dans les 15 premiers du Tour et donc, en 2013, on lui avait mis une pression du tonnerre en disant qu'il allait faire le top 5. Il était le seul à supporter cette pression. Cette année, il y a plusieurs jeunes qui se partagent la pression. Il y a Romain. Il y aussi [Jean-Christophe] Péraud, même s'il est moins jeune [37 ans], il ne faut pas l'oublier. C'est un prétendant pour le podium. En ce qui concerne Thibaut, je pense qu'il a tiré des enseignements. Je lui en avais parlé quand je l'avais sélectionné aux championnats du monde. J'avais compris qu'il n'avait pas pu supporter la pression et que cela lui avait pris la tête. C'est finalement un mal pour un bien. Il a vraiment grandi. Il est bien. Il va finir le Tour aussi bien que Nibali.

F24 : Peut-il toujours espérer monter sur le podium dimanche, lors de l'arrivée aux Champs-Élysées?

B. B. : Je pense. Ses principaux adversaires pour le podium, ce sont Péraud et Valverde et il est au dessus. Il l'a montré aujourd'hui au sommet du Port de Balès. Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas devant dans les deux prochains jours. Il y a juste le contre-la-montre samedi qui sera plus dur. Mais avec un maillot blanc et une troisième place à défendre, il peut surprendre aussi.

F24 : Vous connaissez Thibaut Pinot depuis qu'il fait partie de l'équipe de France junior. Avez-vous tout de suite perçu qu'il pouvait aller aussi loin ?

B. B. : C'est difficile à dire. J'en ai vu passer, des coureurs. Cela fait 30 ans que je suis entraîneur national. Mais c'est vrai que Thibaut, c'est quelqu'un qui a la tête sur les épaules et qui a été très bien encadré. Il a progressé et cela va nous faire un très bon coureur à l'avenir.

F 24 : Comment définiriez-vous son caractère ?

B. B. : C'est quelqu'un qui est naturel. Il a besoin de partir dans la campagne, de se promener et d'avoir une vie simple. C'est pour ça que la pression des médias est une épreuve pour lui. Il a du mal à l'intégrer et c'est pour cela que ça a coincé l'année dernière durant le Tour de France. Il a besoin de se relâcher. Il déconne facilement et il peut dire n'importe quoi. Alors que Romain, c'est quelqu'un de beaucoup plus renfermé et de plus réfléchi.

F 24 : Thibaut Pinot occupe provisoirement la troisième place du Tour. Pensez-vous qu'il peut remporter la Grande Boucle dans les prochaines années ?

B. B. : Oui, il a montré, sur les dernières étapes, qu'il est très prometteur. Il y a longtemps qu'on a pas eu un coureur de ce type. Il ne faut pas non plus oublier Romain. Il a coincé aujourd'hui, mais c'est naturel. Qui n'a pas coincé dans le Tour ? Il y en a un paquet. Je ne veux pas trop dissocier Thibaut et Romain pour le moment, mais Thibaut a pris une option. Ce n'est pas un hasard.