
Taïwanaises, belges, argentines… Les compagnies viennent de toute la planète pour présenter leurs spectacles au Festival d’Avignon. Comment vivent-elles l’évènement, en cette année de conflit social franco-français ?
Cette année, le Festival d’Avignon regroupe plus de 160 compagnies étrangères venues présenter leurs spectacles sur les planches des 145 salles que compte la ville. Du 4 au 27 juillet, Avignon est donc bien la capitale du théâtre français, mais aussi le centre névralgique du théâtre international.
Avec plus de 1,5 millions de billets vendus en 2013, le Festival est une fête du théâtre, mais il est aussi devenu un business, au détriment parfois des petites compagnies. Car venir présenter un spectacle dans la Cité des Papes n’est pas à la portée de toutes les bourses. Notamment pour ceux – les plus nombreux – qui ne sont pas sélectionné dans le "In", la programmation officielle, et doivent, outre le voyage, payer la location d’une salle pour se produire. Aujourd’hui dans le "Off", le coût moyen d’un créneau horaire est de 6 000 euros, mais il peut facilement atteindre 10 à 15 000 euros. Les mauvaises conditions matérielles de création sont aussi une difficulté à laquelle les compagnies doivent faire face, dans cette ville devenue au fil des ans un supermarché de la culture.
À Avignon, des budgets et des objectifs très variables
Les troupes, avec des moyens très variables, viennent pour la reconnaissance internationale dont jouit le Festival. En provenance d’Argentine, Nicolas, Hermes et Luciano ont choisi le "Off" d’Avignon pour présenter pour la première fois en France leur spectacle "Poyo Rojo". Tous trois autodidactes, ils souhaitent voir le Festival marquer le début de leur carrière en France. Quartier Libre Production, qui a investi plusieurs dizaines de milliers d’euros dans l’affaire, affiche clairement l’objectif : "Convaincre les programmateurs d’institutions publiques de mettre le spectacle à l’affiche de leurs théâtres pour les saisons à venir".
Aux côtés de ces petites compagnies venues tenter leur chance, Avignon est aussi le terrain de prédilection de troupes étrangères adoubées par leurs gouvernements. Ainsi, chaque année, le ministère de la Culture taïwanais finance le Centre Culturel de Taïwan à hauteur de 250 000 euros pour qu’il fasse venir à Avignon, au Théâtre de la Condition des Soies, quatre à six compagnies de jeunes artistes taïwanais. Là, l’objectif officiel est davantage politique que financier, puisqu’avec cette opération, le ministère de la Culture travaille uniquement à la reconnaissance d’une culture taïwanaise indépendante de celle de ses voisins - et concurrents - chinois et japonais.
"La lutte doit se faire sur scène"
En cette période de conflit socio-politique entre les intermittents français et l’État, les artistes étrangers ne vivent pas la situation de la même façon. À l’inverse des compagnies jouant dans le "In", la capacité de celles du "Off" à faire grève contre la réforme du régime des intermittents est intimement liée à leur puissance financière, mais pas seulement. Pour Hermes Gaido, metteur en scène de "Poyo Rojo", lui et ses artistes se doivent d’être "du côté des intermittents", mais ils considèrent que "faire grève est impossible d’un point de vu éthique". Comme ils l’expliquent, en Argentine, les intermittents n’ont pas de statut spécifique et c’est par le travail qu’ils se font entendre. L’idée de se mettre en grève à Avignon n’a donc jamais été une alternative possible et leur protestation ne se fera qu'à travers leurs productions.
De son côté, l’artiste Égyptien Hassan el Geretly n’est pas non plus favorable à l’idée de se mettre en grève. Étant invité du Festival officiel avec son spectacle "Haeeshek", la question des pertes financières qu’une grève impliquerait ne se pose pas réellement pour lui, mais il préfèrerait tout de même réfléchir à d’autres formes d’actions. Jouer dans la rue, proposer des dates supplémentaires gratuites, Hassan el Geretly est prêt à tout, mais comme les Argentins, il considère que la lutte doit avant tout se faire "sur scène".
-Haeeshek, du 14 au 18 juillet, à la Cour Minérale de l’Université d’Avignon
-Poyo Rojo, du 4 au 27 juillet au Théâtre du Roi René
-Fabrication, du 4 au 27 juillet au Théâtre de la Condition des Soies.