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Le calvaire des enfants-soldats sur grand écran

Que ce soit au Liberia ou en RDC, les enfants-soldats sont devenues des armes. Au croisement de toutes les guerres civiles, le réalisateur Jean-Stéphane Sauvaire nous livre "Johnny Mad Dog", une fiction qui raconte leur calvaire.

Johnny Mad Dog est un jeune garçon âgé d’à peine quize ans, armé jusqu’aux dents, hanté par le "chien méchant" qu’il veut devenir. Avec son commando, No Good Advice, Small Devil et Young Major, ces enfants pillent, violent et abattent tout ceux qu’ils croisent.

L’enfance et la violence sont deux sujets qui touchent Jean-Stépahne Sauvaire, qui avait déjà réalisé "Carlitos Medellin" en 2004, un documentaire engagé sur les enfants de Colombie persécutés par la guérilla. Quatre ans plus tard il a choisi d’adapter "Johnny chien méchant", le roman de l'écrivain congolais Emmanuel Dongala. Cette fiction plonge le spectateur au cœur des combats des enfants soldats en Afrique. Le réalisateur explique à France 24 : "Je ne voulais pas inscrire le film dans un contexte historique particulier. Ca s’est passé au Congo, au Liberia, au Kivu ou en Côte d’Ivoire. Comme ce problème des enfants soldats continue, je voulais garder une certaine universalité. Aujourd’hui, il y a encore des enfants qui combattent, mon film en témoigne."
 


Le Liberia, nouvelle terre d’accueil du cinéma

Si le film ne situe pas son histoire dans un pays d’Afrique en particulier, Jean-Stéphane Sauvaire a choisi de tourner au Liberia, pays aux cicatrices encore ouvertes, et toujours encadré par 15 000 soldats de l’ONU. C’est la première fois qu’un film est tourné dans ce pays ravagé par quatorze annnées de guerre civile.

Souvent sans eau potable, ni électricité, l’équipe s’y est installée pendant un an. "Il n’y aucune infrastructure, nous avons tout amené, tout créé. Ces gens qui ont connu la guerre ont envie de témoigner. Le moindre figurant s’est investi à 100 % et c’est en ça que les problèmes d’infrastructures ont été comblés par la richesse humaine qu’ils ont apportée", explique le réalisateur. Si ce pays connaît la paix depuis 2003, la guerre civile avait mobilisé environ 21 000 enfants-soldats et provoqué la mort de 250 000 personnes. Un enfant libérien sur dix aurait été enrôlé dans l’effort de guerre.

Une heure et demie auprès de ses enfants-soldats

Pendant une heure et demie le spectateur est confronté à la violence vécue et engendrée par un commando constitué d’enfants âgés de moins de quinze ans - le plus vieux a quinze ans - aux sobriquets évocateurs de la violence qu’ils incarnent.

On suit Johnny Mad Dog, No Good Advice, Small Devil et Young Major piller, tuer et voler tout ceux qu’ils croisent. En parallèle, on découvre le personnage de Laokolé, une fillette fuyant cette Afrique ravagée par des guerres civiles, qui tente de sauvegarder sa part d’humanité.

Dans un Liberia ravagé, Jean-Stéphane Sauvaire dresse un portait ultra-réaliste de ce que ces enfants privés d'enfance ont pu endurer. Cette œuvre n'est pas bâtie autour de la violence mais capte crûment le caractère contre-nature des comportements auxquels la guerre a amené ces enfants, presque dépossédés d'eux-mêmes.

Une fiction ultra-réaliste

C'est à partir du roman "Johnny chien méchant" (éd. Le Serpent à plumes) que s'est construit le film. Le réalisateur confronte les personnages du livre à la réalité du terrain. Jean-Stéphane Sauvaire explique ce procédé : "Le livre est ma base romanesque. Il suit deux adolescents dans une guerre en Afrique. J’ai réécrit le scénario que j’ai partagé avec les enfants. Ils me disaient qu’elle était la part de réalité. On a préparé le film ensemble."

Le producteur Mathieu Kassovitz a fait avec ce fim un aparté, au milieu de ses productions françaises de divertissements, pour s’investir dans "un projet fort avec un réalisateur qui savait exactement ce qu’il voulait faire." Il ajoute que c’était pour lui l’opportunité de travailler sur un film comme il aurait aimé en réaliser : basé sur l’énergie et la volonté.

Entre fiction et authenticité, la quasi-totalité du casting est constituée d’anciens enfants-soldats qui ont combattu quelques années plus tôt sous la milice de Charles Taylor, du LURD (Liberians United for Reconciliation and Democracy) ou d’enfants des rues recrutés dans les ghettos de Monrovia.

Le travail d’acteur, mêlé de scènes d’improvisation, donne au film une force quasi-documentaire. France 24 a rencontré Chritopher Minie, Dagbeh Tweh et Barry Chermoh, les trois personnages phares du film. Aujourd’hui, ce sont trois adolescents tout sourire qui souhaitent remercier Jean-Stéphane Sauvaire, "leur sauveur", devant les caméras. Ils expliquent que depuis le tournage du film, ils ont accès à un système scolaire et à des cours de comédie. "I want to be an actor, I’m happy to be here, in France, thank you Jean”, ne cessent de répéter ces trois adolescents qui semblent déjà loin des guerres qu’ils ont menées.

Il a fallu attendre quatorze ans au Liberia pour poser les armes, douze ans en Sierra Leone tandis que la RDC est toujours au fond de l’abîme. Aujourd’hui, l’ONU estime à 300 000 le nombre d’enfants-soldats en activité dans une douzaine de pays comme l’Afghanistan, la Colombie, l’Ouganda ou bien le Sri Lanka. Avec 120 000 enfants-soldats "recensés", l’Afrique est au cœur du problème.