Pour sa quatrième participation au Tour de France, Vincenzo Nibali s’est imposé à mi parcours comme le grand favori de l’édition 2014. À 29 ans, le coureur italien fait presque figure de vainqueur idéal. Portrait.
Son parcours et sa réputation sont impeccables : pas de grosses casseroles question dopage, une réputation d’attaquant au grand cœur, la tête du gendre idéal. Bref, Vincenzo Nibali a le profil parfait du vainqueur du Tour de France 2014.
Même si son manager et patron, le Kazakh Alexandre Vinokourov fut contrôlé positif sur le Tour 2007, et si ses récentes performances inquiètent Antoine Vayer, spécialiste du dopage dans le cyclisme, Vincenzo Nibali échappe assez largement aux suspicions.
Un véritable exploit qui, on l’imagine aisément, doit contenter les organisateurs du Tour. L’abandon des deux principaux favoris, Alberto Contador et Chris Froome ouvre-t-il enfin les portes de la victoire à un coureur réputé "propre" ? (Des soupçons planent sur la victoire du Britannique en 2013 et en 2010, Alberto Contador, a vu la sienne retirée pour dopage).
Du panache et des jambes
Né à Messine, Vincenzo Nibali a grandi en Sicile. Gamin, c’est son père, Salvatore, qui le pousse vers le vélo. Sa mère, Giovanna, lui aurait fait découvrir la grande histoire du cyclisme dans son magasin de vidéocassettes. Comme bien d’autres champions cyclistes sur route, c’est dans les
courses de VTT qu’il a débuté.
À 29 ans, il possède un solide palmarès : il a notamment remporté le Tour d'Espagne 2010 ainsi que le Tour d'Italie 2013. Son surnom de "requin de Messine" doit beaucoup à son lieu de naissance mais aussi à son attitude en course. "Quand il attaque, normalement il gagne", explique Giuseppe Martinelli, son directeur sportif au sein de la formation kazakh Astana " et s’il ne gagne pas, il attaque le jour suivant".
Vincenzo Nibali se distingue par la fougue. "J'ai toujours aimé attaquer, je ne suis pas rapide au sprint et je n'ai pas d'autre choix, explique le champion d’Italie. Je suis prêt à saisir la moindre occasion".
Au cours de ses neuf saisons professionnelles, il s’est distingué par sa dextérité sur un vélo (il est capable de descentes vertigineuses) et par sa générosité. Sa réputation dans le milieu est plutôt flatteuse : Vincenzo n’est pas un coureur qui calcule et gère ses efforts. "Il est complet" ajoute Giuseppe Martinelli. Il peut attaquer sur les pavés, dans la montagne et sur le plat. C’est avec sa tête que Vincenzo va gagner, pas seulement les jambes. C’est un peu un artiste dans le cyclisme moderne".
Certains disent de lui qu’il est un
coureur à l’ancienne. Bernard Hinault affirme, lui, dans un style lapidaire "Il court bien, toujours devant", ce qui dans la bouche du quintuple vainqueur du Tour veut dire beaucoup.
Succéder au "Pirate" Pantani
Depuis 1998, aucun Italien ne s’est imposé sur le Tour. Durant les années de domination de Lance Armstrong, puis des coureurs espagnols, les espoirs des tifosis se portaient sur Damiano Cunego ou Ivan Basso. Si tous deux ont remporté des Tours d’Italie, aucun n’est parvenu à gagner le Tour de France.
Depuis la double victoire d'Ottavio Bottecchia en 1924 et 1925 (à la vitesse moyenne et respectable de 24,25 km/h), les victoires italiennes se sont fait rares mais ont souvent marqué les esprits. Il y a d’abord celles de Gino Bartali, dit
Gino le pieux, qui remporta le Tour en 1938 et en 1948.
Un reportage de 1963 consacré à Gino Bartali, gloire éternelle de l'Italie (INA)
En 1949, c’est le grimpeur de légende Fausto Coppi qui l’emporte. En 1960, le Tour passe à Colombey-les-deux-églises et le futur vainqueur, Gastone Nencini, s’arrête pour échanger une poignée de main avec le Général de Gaulle en personne. Felice Gimondi s’impose lui en 1965 devant Poulidor.
Mais le dernier vainqueur italien du Tour n’est autre que le sulfureux Marco Pantani, le "Pirate" mort d’une overdose de cocaïne en 2004, à 34 ans. Depuis 1995, il détient le record de l'ascension de l’Alpe d’Huez en 36 minutes et 40 secondes.
Avec ses 57 kilos, son mètre 72, et son crâne rasé, Pantani incarne la face obscure du cyclisme moderne. Grimpeur supersonique, coureur extravagant, 1998 fut son année avec des victoires sur le Giro et sur le Tour de France. Mais les affaires de dopage et sa triste fin dans une chambre d’hôtel de la station balnéaire de Rimini ont laissé du "Pirate" le souvenir d’un drogué plutôt que celle d’un héros du cyclisme italien.
Pour Vincenzo Nibali, son aîné occupe certainement une place à part. En conférence de presse à Besançon, il a confié avoir dans ses valises un maillot jaune de Marco Pantani. "Si je lui succède, ce sera un très grand honneur. Sa mère m'a remis l'un des maillots jaune de Marco. Je lui ai promis que je lui donnerai l'un des miens, si tout se passe bien".
Avec huit maillots jaune en 10 étapes,
Vincenzo Nibali a fait la démonstration de son excellence physique et d’une tactique de course impeccable. Il ne reste plus au requin de Messine qu’ à dompter les Alpes et les Pyrénées pour que ce Tour 2014 et les tifosis de la Grande Boucle voient en lui un parfait vainqueur.