L'écrivaine sud-africaine Nadine Gordimer, qui s'était opposée au régime de l'apartheid et avait obtenu le prix Nobel de littérature en 1991, est décédée à l'âge de 90 ans, à Johannesburg, a annoncé lundi sa famille.
Figure de la lutte anti-apartheid, l’écrivaine sud-africaine Nadine Gordimer, prix Nobel de littérature 1991, est décédée dimanche 13 juillet à l'âge de 90 ans, paisiblement et durant son sommeil, a annoncé sa famille
Élégante jusque dans ses dernières années, cette fille d'immigrés juifs était moins connue pour ses romans que pour son militantisme contre la ségrégation raciale en Afrique du Sud - pays qu'elle a toujours refusé de quitter, même aux heures les plus sombres de l'apartheid. "Quand on écrit, on n'est jamais isolé de sa société et de son monde", disait cette anglophone blanche.
La romancière laisse quinze ouvrages ("La fille de Burger", "Histoire de mon fils", "Personne pour m'accompagner"...) et de nombreuses nouvelles ("L'Étreinte d'un soldat", "Quelque chose là bas"...), dont certains ont été interdits sous l'apartheid. Son œuvre est "sensible à la vulnérabilité d'individus contraints de faire des choix politiques mais sans pitié lorsqu'elle décrit les faux-semblants de la bonne conscience", résumait en 2007 l'ambassadeur de France à Pretoria, Denis Pietton, en lui remettant la Légion d'honneur.
"Elle a une très haute idée d'elle-même"
L’écrivaine est aussi connue pour son côté inflexible. "Elle déteste ce qui est bâclé... Elle n'a pas de temps à perdre, ce n'est pas mère Teresa... Elle a une très haute et très précise idée d'elle-même..." avait dit d’elle son éditeur allemand à l’issue d’une après-midi de travail. Un côté "Dame de Fer", écrit même Libération, en 2002, à son propos.
Née le 20 novembre 1923, Nadine Gordimer a grandi dans un quartier aisé de la petite ville minière de Springs, à l'est de Johannesburg. Petite, elle voulait être danseuse. Mais sa mère juge qu’elle a le cœur fragile et lui interdit de continuer la danse classique. Elle se met donc à lire beaucoup, à écrire énormément. Elle publie sa première nouvelle à 15 ans dans une revue locale.
"Des années plus tard, j'ai réalisé que si j'avais été Noire, je ne serais probablement pas devenue écrivaine puisque les bibliothèques que je fréquentais leur étaient interdites", dira-t-elle en recevant le prix Nobel de littérature en 1991.
Une vie privée secrète et préservée
Proche des avocats de Nelson Mandela, elle fut l'une des premières personnalités que l'icône de la lutte anti-apartheid a demandé à voir après sa libération de prison en 1990. Elle a continué à écrire après l'avènement de la démocratie en 1994, n'hésitant pas, malgré son grand âge, à pointer les défauts du nouveau pouvoir des successeurs de Nelson Mandela. Mais elle a refusé d'ajouter sa voix au concert de critiques sur la violence de la société (contrairement à André Brink ou J.M. Coetzee) même après avoir été victime d'un cambriolage en 2006.
Très secrète sur sa vie privée, elle s'est opposée à la publication d'une biographie en 2005 où l'auteur, Ronald Suresh Roberts, décrivait longuement la maladie de son dernier époux, décédé. Nadine Gordimer a été mariée à deux reprises et a eu un enfant de chaque alliance.
Avec AFP