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À Singapour, le "personnel de maison" s'achète en grande surface

À Singapour, les domestiques, souvent des femmes originaires d’Indonésie, des Philippines ou de Birmanie, sont exposés dans les vitrines des centres commerciaux. Une pratique dénoncée par plusieurs ONG.

À Singapour, il est possible de trouver son "personnel de maison" en supermarché. Les domestiques sont exposés dans des centres commerciaux comme des produits de consommation courante, comme le révèle un reportage de la chaîne qatarie Al-Jazira.

Le centre commercial de Bukit Timah propose sur cinq étages des boutiques aux noms évocateurs de "Homekeeper" qui signifie "Gouvernante" ou encore "Budget Maid", "Domestique à petits prix". Avec parfois des offres de promotions.

Les domestiques, des femmes pour la majorité, viennent souvent d’Indonésie, des Philippines ou de Birmanie. Leur nationalité peut-être inscrite sur les pancartes des stands aux couleurs flashy. "Nous sommes spécialisés dans les domestiques birmanes", peut-on lire sur le panneau de l'une de ces boutiques.

Souvent le "personnel de maison", assis par douzaines, patiente dans un silence léthargique en attendant la venue du client. Certaines "agences de domestiques" montrent les jeunes femmes en situation de travail.

De futures domestiques effectuent ainsi des démonstrations en fauteuils roulants pour montrer qu’elles savent s’occuper correctement de personnes âgées, d’autres changent le couches d’un nourrissons en plastique. Des salons ou des chambres à coucher factices ont été installés et dans les vitrines, ces futures gouvernantes repassent la même chemise des heures durant, défont et refont le même lit en attendant d’être embauchées par un client.

Souvent le passage dans ces centres commerciaux est bref, une semaine environ, d’après l’Organisation humanitaire des migrations économiques (HOME), qui lutte pour les droits des population de migrants à Singapour.

Un personnel soumis aux abus

Selon Ummai Ummairoh, président du Réseau Familles Indonésiennes, autre organisation d'aide aux migrants citée par Al-Jazira, certaines de ces "agences de domestiques" maltraiteraient parfois leurs employées, notamment en les sous-nourrissant. L’organisation, qui a reçu des plaintes de femmes, souligne également la pénibilité du travail de ces domestiques une fois embauchées.

En cause, l’obligation pour ces employées de vivre "à domicile" avec leurs patrons, ce qui rendrait ces personnes plus vulnérables d’après l’association "Les travailleurs de passage comptent aussi" (TWC2) qui a enquêté à ce sujet. Cela conduirait à des pratiques abusives, dont des horaires de travail extensibles ou la confiscation des téléphones portables des domestiques, qui contribue à les isoler du reste de la communauté et des organisations d’aide humanitaire.

Rarement les victimes d'abus osent se plaindre. L’an dernier une employée cambodgienne forcée à partager sa chambre avec le grand-père de la famille, aurait subi un harcèlement sexuel de la part de celui-ci. Bien qu’elle se soit plaint de la situation, rien n’aurait été fait pour arranger les choses.

Le personnel de maison représente une véritable industrie à Singapour, mais aussi dans le pays d’origine de ces femmes qui sont recrutées par des intermédiaires, puis formées dans des centres spéciaux avant d’arriver à Singapour. C’est le cas en Indonésie notamment.

Au total, les employées de maison de Singapour seraient actuellement 215 000 d’après HOME, ce qui représente près de 4% des personnes vivant dans cette petite ville-État asiatique de 5,4 millions d'habitants.

Singapour n'est pas le seul État où l'on recense ce genre d'abus, d'autres cas ont été observés à Hong-Kong, en Chine, mais aussi en Arabie Saoudite et au Qatar. Il y a ainsi quelque 84 000 domestiques étrangères au Qatar, pour la plupart originaires de pays asiatiques.