
En 1958, Brian Robinson est devenu le premier Britannique à gagner une étape du Tour de France. Cinquante ans après, ce cycliste du Yorkshire assiste avec émotion au départ de la Grande Boucle dans sa région, même si pour lui, tout a changé.
Brian Robinson a troqué son maillot de coureur pour un smoking et un nœud de papillon. En ce week-end de départ du Tour de France à Leeds, cet ancien cycliste est l'un des invités d'honneur de la grande soirée de gala organisée avant le départ. Il y a cinquante-six ans, il est entré dans la légende en devenant le premier Britannique à franchir en tête la ligne d'arrivée d'une étape de la Grande Boucle.
Alors qu'il traverse le hall d'un grand hôtel de la ville, des passionnés de vélo viennent à sa rencontre pour prendre une photo avec ce champion, âgé de 83 ans. “Pendant quarante ans, personne ne faisait attention à moi. J'ai fait de mon mieux dans le cyclisme et je suis ensuite retourner travaillé. Maintenant, je ne peux plus entrer dans un supermarché, sans entendre : 'Oh, c'est Brian Robinson !”, s'amuse le vieil homme avec malice.
Depuis plusieurs semaines, les médias se pressent en effet autour de cette figure locale, tombée pendant longtemps dans l'anonymat le plus total. Brian Robinson est né en 1930 dans le Yorkshire. Samedi 5 juillet, les 198 coureurs de l'édition 2014 du Tour de France vont s'élancer sur les routes de son enfance. Jamais, même dans ses rêves les plus fous, il n'aurait imaginé voir le peloton passer si près de sa petite ville de Mirfield, à 30 km de Leeds : “Il en faut beaucoup pour que je sois excité à mon âge, mais la passion revient quand je vois tous ces gens rassemblés ici. C'est vraiment énorme !”.
Des courses cyclistes autrefois interdites
Quand ce sportif anglais a débuté le vélo, les foules ne se déplaçaient pas vraiment pour supporter les coureurs. Alors qu'en France, la petite reine était déjà une attraction majeure, en Angleterre, il faut attendre les années 50 pour que les courses soient autorisées sur la voie publique. L'aristocratie ne voyait pas d'un très bon œil ce divertissement populaire. Brian Robinson ne s'est d'ailleurs retrouvé un guidon à la main que pour des raisons pratiques. “Je suis monté sur un vélo quand j'avais 13 ans, nous étions alors en guerre. Il n'y avait pas de voitures ni de bus à l'époque. Si vous vouliez aller quelque part, il fallait prendre son vélo. Nous habitions de ce côté, et le reste de notre famille 40 kilomètres plus loin”, raconte le gentleman coureur.
En 1948, il est finalement gagné par le virus de la compétition en assistant à l'épreuve de cyclisme aux Jeux olympiques de Londres. Il se passionne pour les récits sur le Tour de France dans les magazines : “J'étais ébloui de voir les photos de ces gars gravissant les montagnes. Je trouvais cela fantastique. Cela a fait tilt en moi”. Avec son frère, il se débrouille alors pour participer à quelques courses amateurs sur des routes privées et même des terrains d'aviations. Ses bonnes performances lui permettent d'être sélectionnés pour les Jeux olympiques d'Helsinki en 1952 où il côtoie la future star française Jacques Anquetil.
Premières victoires au milieu des cris
Trois ans plus tard, son rêve se réalise enfin. Au sein de la formation “Hercules” 100% britannique, il prend le départ du Tour de France. Dans le peloton où brille Louison Bobet, le jeune Britannique n'en revient pas de la ferveur populaire sur le bord de la route. “Oh le bruit ! Quand nous grimpions à la montagne, les gens nous criaient dans les oreilles alors que nos cœurs battaient déjà énormément. Il a fallu s'y habituer. J'ai même foncé dans un gars une fois”, se souvient Brian Robinson comme si c'était hier. Avec son coéquipier Tony Hoar, ils sont les seuls de leur équipe à rallier Paris. Pour la première fois de l'histoire, des Britanniques ont réussi à boucler un Tour de France.
Mais le petit cycliste du Yorkshire a d'autres ambitions. En 1958, il entre véritablement dans la légende en inscrivant son nom au palmarès de la compétition. Après la disqualification de l'italien Arrigo Padovan, il remporte la septième étape à Brest. Un exploit toutefois teinté d'amertume : “Il m'a poussé vers les barrières et est reparti directement sur la route. Quelques années plus tard, je l'aurais éjecté moi aussi, mais j'étais un jeune coureur. J'ai freiné et je n'ai pas réussi à revenir, même s'il a finalement été disqualifié”. Revanchard, Brian Robinson tient à gagner avec panache. Un an plus tard, il se venge de son adversaire italien en franchissant avant lui et en premier la ligne d'arrivée à Chalon-sur-Saône lors de la 20e étape, avec 20 minutes d'avance. Pour la seconde fois de sa carrière, il monte sur le podium de la plus grande course au monde.
“C'est un business maintenant”
Plus de cinquante ans après ses exploits, Brian Robinson contemple cette période avec nostalgie. Pour le cycliste retraité, les coureurs d'aujourd'hui manquent d'éclat et d'un brin de folie. Le Tour de France est devenu un grand cirque ambulant. “C'est un business, alors qu'autrefois c'était un hobby. Quand je participais au Tour, il n'y avait besoin que de 1800 lits pour toutes les équipes. Maintenant, il en faut 5000”, constate-t-il avant de se replonger dans l'époque où “il n'avait qu'une paire de chaussures et un maillot pour quinze jours” qu'il devait laver chaque soir après la course pour ne pas “qu'il sente trop fort”.
Même s'il a aujourd'hui du mal à reconnaître la compétition à laquelle il a autrefois participé, Brian Robinson n'a jamais perdu sa foi dans le cyclisme. À plus de 80 ans, il continue de pédaler. “Cela devient dur car il n'y a plus beaucoup d'énergie dans le corps, tout est dans l'esprit. Mais j'ai un vélo électrique, c'est une bénédiction”, s'enthousiasme ce passionné au physique encore très affuté pour son âge. “Normalement, je roule deux fois par semaine, mercredi et samedi. Je vais le manquer ce week-end à cause de la course, mais mercredi, tout va revenir à la normale !”.
Documentaire sur Brian Robinson (en anglais)