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Les Kurdes sont-ils les bienvenus dans l’EIIL ?

L’antagonisme entre kurdes et djihadistes n’est pas si évident. Les succès de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) représentent pour l'Irak et la Syrie un risque croissant de partition, qui profite aux minorités kurdes. Témoignages.

Si l’antagonisme entre djihadistes et Kurdes est bien réel, ces derniers, au même titre que les autres ethnies de la région, sont aussi présents dans les rangs de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Selon un Kurde de Syrie proche des instances gouvernantes de l'EIIL contacté par FRANCE 24, les Kurdes syriens sont  en revanche peu nombreux dans les rangs de la mouvance djihadiste. Il attribue cette faiblesse numérique au "manque d’éveil islamique chez les Kurdes en général, mais aussi au fait que les Kurdes syriens ont toujours évolué dans une sorte de vase clos hermétique". À cela s’ajoutent d'une part l’animosité ancestrale entre Kurdes et Arabes et d'autre part "le fait que certains chefs ou combattants locaux de l’EIIL profitent de leur pouvoir nouvellement acquis pour régler de vieux contentieux", explique l’homme joint dans la région d’Hassaké, au nord est de la Syrie.

Pourtant, à terme, le souhait de l’EIIL serait de sortir les Kurdes de leur isolement "pour les réintégrer au cœur de la communauté musulmane, poursuit-il. Si l’expérience menée lors de la prise de Mossoul en Irak trouve des échos favorables, cela peut être un bon début d’ouverture".

Dans l’immédiat, l’absence de contact direct entre l’EIIL et les Kurdes ouvre la porte aux rumeurs les plus improbables, comme la volonté supposée de l’EIIL d’exterminer les Kurdes. "Ces rumeurs fantaisistes sont tellement répandues qu’un médecin kurde, qui me soignait en Turquie, m’avait très sérieusement questionné sur leur véracité, raconte notre contact. Alors vous imaginez bien leur impact sur une population encore rurale !"

Dans le contexte de la guerre en Syrie, il est indéniable que les Kurdes ont été victimes d’exactions de la part des différentes factions djihadistes, reconnaît-il. Lui-même a d’ailleurs été "victime des pratiques discriminatoires de la part de certains djihadistes de l’EIIL". Mais il nous assure que "les hommes dont il a été victime ont été sanctionnés et leur émir limogé par le commandement de l’EIIL". Puis il ajoute : "Ce qui est rend l’EIIL unique - par rapport aux autres factions djihadistes présentes en Syrie - c'est le fait que même l'un de leurs émirs peut être sanctionné suite à une plainte. Les tribunaux de l’EIIL jugent les plaintes concernant leurs soldats et émirs en priorité par rapport aux autres plaintes afin de construire une relation de confiance avec les populations qu’ils administrent ou souhaitent administrer."

Y-a-t-il une "unité kurde" au sein de l’EIIL ?

Notre contact l'assure : "Si les rumeurs concernant l’existence d’une unité kurde au sein de l’EIIL sont fausses et infondées, les djihadistes kurdes au sein du groupe n'en sont pas moins présents." Ils sont issus en majorité des régions kurdes de Turquie, d’Irak (Halabja), ou d’Iran. Les Kurdes syriens, qui sont très minoritaires, sont originaires des villes d'Amouda et de Kahtania, à la frontière turque. Ces informations ont été confirmées par un activiste syrien de la région de Hassaké, pour qui il ne semble pas y avoir d’animosité particulière, ni de campagne de recrutement ciblée de l’EIIL vis-à-vis des Kurdes. Tout au plus quelques activistes s’efforcent-ils de traduire les vidéos et les communiqués de l’organisation en langue kurde avant de les diffuser sur les réseaux sociaux.

Sur la foi des témoignages recueillis, le scénario d’une confrontation directe entre l’EIIL et les Kurdes sur des bases ethniques paraît donc exclu. D’autant plus que le fait de discriminer les musulmans en fonction de critères raciaux serait en totale contradiction avec les efforts des djihadistes d’al-Baghdadi pour restaurer le califat et unir les populations musulmanes de la région sous leur bannière. Califat qui depuis le week-end du 29 juin semble bel et bien établi.