
Les Eurockéennes de Belfort soutiennent les intermittents du spectacle, malgré les menaces de grève pour faire fléchir le gouvernement et maintenir leur régime d'assurance-chômage. FRANCE 24 a rencontré le directeur du festival, Jean-Paul Roland.
Alors que le gouvernement vient de lancer une concertation sur le statut des intermittents, la colère de ces derniers menace toujours de perturber la saison d’été des festivals. Mais Jean-Paul Roland, directeur des Eurockéennes de Belfort, reste confiant et maintient son soutien à leur cause. Il nous explique pourquoi.
FRANCE 24 : Craignez-vous l’annulation des Eurockéennes ?
Jean-Paul Roland : On a appris à être prudents. On n’est jamais à l’abri de risques météo ou liés à des conflits sociaux. Ce qu’il faut savoir c’est que les 200 intermittents qui travaillent avec nous sont farouchement attachés au festival. Donc la question de savoir si le festival aura lieu ou pas a vite été évacuée. C’est en tout cas la température qu’on a pu prendre auprès des intermittents. Par contre, ce qu’on étudie actuellement, c’est de voir comment ce festival peut faire écho aux revendications des intermittents. Près de 100 000 personnes sont attendues, l’occasion est trop belle pour expliquer au public pourquoi il faut défendre ce régime et quelles conséquences cela pourrait avoir s’il venait à disparaître. Toute une série d’actions aura lieu sur le festival, autant pour les intermittents que pour les précaires.
Le gouvernement a lancé une concertation mardi dernier. Pour la première fois, les intermittents et les employeurs du spectacle vont participer aux négociations aux côtés des partenaires sociaux. Qu’en pensez-vous ?
Je ne suis pas révolutionnaire, je ne suis pas là pour couper des têtes, mais je reste quand même contre l’agrément (nouvelle convention d’assurance-chômage issue de l’accord du 22 mars entre le patronat, la CFDT, FO et la CFT, NDLR ). En revanche, l’appel à la concertation avec le trio de négociateurs qui s’est monté me semble de bonne facture (les trois personnalités nommées par le gouvernement pour organiser la concertation - le député PS Jean-Patrick Gille, l'ancienne directrice du Festival d'Avignon, Hortense Archambault, et Jean-Denis Combrexelle, qui fut à la tête de la Direction générale du travail, NDLR).
Ça nous semble être une ouverture au dialogue, même si cela arrive un peu tard. Nous, les employeurs, sommes dans le même bateau que les intermittents, et jusqu’ici personne ne nous avait invités à la table des négociations. À Belfort, nous sommes dans une région fortement touchée par la crise. Ce festival est un vecteur d’identité fort, c’est un facteur économique puissant. On parle quand même de retombées économiques de l’ordre de 7 à 8 millions d’euros. Tout ça aurait dû amener naturellement à ce que l’on nous consulte plus tôt. Avant la saison des festivals d’été, par exemple !
La Cour des comptes fustige le régime des intermittents, qui affiche un déficit chronique évalué à près d’un milliard d’euros par an, soit un tiers du déficit de l’assurance-chômage. Ne faut-il pas réformer ce régime, voire le supprimer ?
Entre le 1 milliard de la Cour des comptes et les 320 millions du comité de suivi, j’ai quand même l’impression que le deuxième chiffre m’a l’air le plus "audible". Ce qu’on a du mal à accepter, c’est qu’il y a quand même eu un comité de suivi, des commissions parlementaires, qui n’ont pas vraiment été entendus. Et puis, la culture, ce n’est pas juste des chiffres sur un tableau Excel. Nous nous sommes engagés aux côtés des intermittents car ce régime nous permet de construire le festival. Nous sommes à Belfort, dans une ville moyenne, et si nous passions sous le régime général, nos intermittents seraient obligés de quitter la ville pour trouver un emploi pérenne ailleurs. Ce festival, qui est à 90 % de recettes propres, ne peut absolument pas se permettre d’avoir ne serait-ce qu’un seul jour d’annulation. En 2003, nous avions déjà failli vivre ça, et cela aurait signé l’arrêt de mort du festival. Nous voulons que le signe d’ouverture annoncé soit suivi de faits. Il faut arrêter de détricoter par petits bouts ce régime, qu’on le mette une bonne fois pour toute à plat, pour que la crise ne revienne pas tous les 3 ans.