
Le pouvoir polonais est secoué par des révélations issues d’écoutes téléphoniques illégales. Le ministre des Affaires étrangères se retrouve notamment au cœur de la tourmente pour ses propos très crus tenus sur les États-Unis et l'Angleterre.
Le gouvernement du Premier ministre polonais Donald Tusk a obtenu un sursis, mercredi 25 juin au soir, en remportant un vote de confiance au Parlement, neuf jours après les révélations compromettantes issues d'enregistrements illégaux de conversations privées de plusieurs hauts dirigeants. Les députés de la coalition au pouvoir qui dispose de 235 sièges sur 460 ont préféré resserrer les rangs derrière le gouvernement plutôt que de risquer la défaite électorale promise par les instituts de sondage.
L’affaire a débuté le 16 juin, après la publications par le magazine "Wprost" d’extraits de conversations privées entre hauts responsables de la vie politique et économique du pays, enregistrées à leur insu dans de grands restaurants de Varsovie. Certains enregistrements pirates mettent en doute l’indépendance de la banque centrale polonaise, tandis que d’autres révèlent des opinions aux antipodes de la position officielle pro-atlantiste de la Pologne.
Fiasco diplomatique
Le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, qui s’est récemment illustré par son soutien aux révolutionnaires de la place Maïdan à Kiev, se retrouve ainsi au cœur d’une polémique pour son double langage. Réputé pour son tropisme atlantiste, le chef de la diplomatie polonaise a déclaré à l’ex-ministre des Finances que l’alliance avec les États-Unis "ne vallait rien". Au contraire, elle contribuerait à susciter un "faux sentiment de sécurité".
"Nous pourrions entrer en guerre avec l'Allemagne et la Russie et prétendre que tout baigne au motif que nous avons fait une pipe aux Américains !", ajoute le premier diplomate du pays.
Radoslaw Sikorski n’est pas tendre non plus avec le Premier ministre britannique David Cameron, dont les demandes de réformes des règles européennes sur l’immigration révèlent soit de "l’imprudence" ou de "l’incompétence".
"Te rappelles-tu, il a foutu la merde sur le pacte budgétaire, il a foutu la merde, c'est aussi simple que ça. Parce que ça ne l'intéresse pas, parce qu'il ne sait pas, parce qu'il croit toute cette stupide propagande et qu'il tente bêtement de manipuler le système", déclare le chef de la diplomatie polonaise à l’ancien ministre des Finances au sujet de David Cameron.
Théorie du complot
La succession de révélations embarrassantes a relancé les spéculations sur un éventuel rôle des services secrets russes dans ces enregistrements. Donald Tusk en personne a évoqué de manière sibylline l’implication de Moscou en dénonçant un complot visant à paralyser l’État polonais au moment où Varsovie s’efforce de mobiliser l’Europe contre la politique agressive de la Russie en Ukraine.
Les autorités polonaises ont interpellé deux personnes et interrogé deux autres suspects. Selon les médias polonais, l'un des interpellés serait précisément un richissime homme d’affaires polonais impliqué dans le commerce du charbon avec la Russie. En attendant les résultats de l’enquête, la correspondante de FRANCE 24 Maya Szymanowska explique que les propos du ministre des Affaires étrangères sont perçus par les Polonais comme plus choquants sur la forme que sur le fond.
"L’opinion publique en Pologne est plutôt d’accord avec ce qu’il dit. Il y a beaucoup de gens ici qui pensent que le pays s’est trop appuyé sur les Américains au détriment de ses partenaires européens. Ce qui choque ici, c’est la vulgarité du langage employé".
Avec AFP et Reuters