logo

En Malaisie, un journal catholique n'a plus le droit d'utiliser le mot Allah

L'interdiction est définitive désormais. Le journal catholique malaisien "The Herald" a perdu son dernier recours et ne peut donc plus utiliser le mot Allah dans ces colonnes. Cette procédure est à l'origine de tensions religieuses.

Interdit d’utiliser le mot Allah. Les journalistes de la publication catholique "The Herald" en Malaisie devront désormais user d’ingéniosité pour évoquer Dieu, sans utiliser le mot Allah qui désigne le Tout-puissant en arabe mais aussi dans la langue malaise. La plus haute juridiction de Malaisie, pays à majorité musulmane, a rejeté lundi 23 juin le recours du journal, qui réclamait depuis des années le droit d'utiliser le mot Allah, mettant un terme à de longues procédures à l'origine de tensions religieuses.

La publication réclamait la levée de l'interdiction, arguant que celle-ci était anticonstitutionnelle. Elle a fait valoir que ce terme était employé depuis des siècles par les chrétiens de Malaisie, une minorité religieuse de 2,6 millions de personnes dans ce pays de 28 millions d'âmes. La décision de la Haute Cour a néanmoins fait l'objet d'une discussions entre les sept hauts magistrats qui n'étaient pas d'accord: "Par une majorité de quatre contre trois, la requête est rejetée", a précisé le président de l’instance.

À l'extérieur de la Haute Cour, une centaine de musulmans ont acclamé la décision après avoir crié un peu plus tôt "Allahou Akbar" ("Dieu est grand") et agité des banderoles "S'unir pour défendre le nom d'Allah". "Nous devons défendre Allah car c'est notre obligation religieuse. J'espère que d'autres communautés, incluant les chrétiens, comprennent cela", a déclaré à l'AFP Ibrahim Ali, chef du groupe de défense des droits des musulmans Perkasa.

Le conflit avait éclaté en 2007 avec une directive du ministère de l'Intérieur révoquant l'autorisation du "Herald" d'utiliser le mot Allah dans son édition en malais, au motif que cela pourrait troubler les musulmans et les inciter à se convertir, ce qui considéré comme un crime dans le pays. Le journal catholique avait alors saisi un tribunal et obtenu gain de cause en 2009, jugement qui a enflammé les tensions par la suite. Une série d'attaques ont été commises contre des lieux de culte, pour l'essentiel des églises visées par des cocktails molotov, des jets de pierres et de peinture, faisant craindre un conflit multiconfessionnel. Sur le terrain juridique, la bataille s'est poursuivie et l'interdiction controversée a été réinstaurée en 2013.

Les chrétiens peuvent continuer à utiliser le mot Allah

Amnesty International a fustigé mardi cette interdiction, dénonçant "un abus contre la liberté d'expression".

Un porte-parole du gouvernement a toutefois précisé après l'annonce de la Haute Cour que la décision concernait uniquement la publication au centre de la controverse: "L'arrêt s'applique seulement à l'utilisation par le journal 'The Herald' du mot Allah. Les chrétiens malaisiens peuvent continuer d'utiliser le mot Allah à l'église", a-t-il dit. Ainsi, "la communauté chrétienne a toujours le droit d'utiliser le mot Allah dans ses bibles, offices religieux et rassemblements de chrétiens", s'est réjoui le président de la Fédération des chrétiens de Malaisie, Eu Hong Seng.

Mais des avocats de l'Église catholique locale ont indiqué qu'ils allaient explorer les voies de recours pour contester l'interdiction, redoutant que cette décision ne soit utilisée pour restreindre la liberté de culte dans d'autres domaines. Une responsable du conseil de l'Ordre des avocats, Firdaus Husni, a estimé que les inquiétudes des chrétiens étaient légitimes, bien que la décision se limite à la publication : "L'impact va au delà de cette publication. Il est probable que les autorités vont prendre d'autres mesures pour restreindre les pratiques religieuses", a-t-elle déclaré à l'AFP.

La Malaisie a évité les conflits religieux au cours des dernières décennies, mais des minorités se plaignent de plus de la restriction de leurs droits, considérée par certains comme une islamisation du pays.

Avec AFP
 

Tags: Malaisie, Religion,