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La Cour suprême des États-Unis a refusé lundi de se saisir d'un ultime recours de l'Argentine sur sa dette, l’obligeant ainsi à rembourser ses créances auprès de fonds spéculatifs américains. Une décision aux conséquences catastrophiques.

C’est un véritable camouflet infligé à l’Argentine. La Cour suprême des États-Unis a rejeté, lundi 16 juin, un recours du gouvernement argentin qui lui demandait d'annuler sa condamnation à rembourser plus d'1,3 milliard de dollars à des fonds spéculatifs américains. L’Argentine a prévenu qu’une telle décision pourrait de nouveau provoquer une véritable catastrophe économique.

Les origines de ces litiges financiers remontent à 2001. L'Argentine connaît alors une grave crise économique qui la met en faillite. Quatre ans plus tard, l’État argentin conclut un premier accord avec la quasi-totalité de ses débiteurs pour restructurer sa dette d’un montant de 90 milliards de dollars, qu’il renouvellera en 2010. Buenos Aires rembourse 93 % des créanciers privés, mais d'irréductibles fonds spéculatifs, dits "vautours", comme NML Capital et Aurelius Management, refusent ces restructurations et exigent le remboursement de l'intégralité de leurs créances, majorées des intérêts, soit 1,47 milliard de dollars.

L’Argentine face à nouvelle troisième faillite

Un bras de fer juridique s’engage alors entre ces spécialistes du rachat de dette à risque et le gouvernement de Cristina Kirchner. Pour faire pression sur Buenos Aires, NML va même jusqu’à obtenir la saisie d'un navire militaire argentin au Ghana en 2012. Le Tribunal international du droit de la mer donnera finalement raison à l’Argentine et ordonnera la libération de la frégate.

En 2013, la Cour d'appel de New York condamne l’Argentine à rembourser ces derniers créanciers. Le rejet du recours prononcé le 16 juin par la plus haute autorité judiciaire américaine vient confirmer la première décision. Un refus, qui selon nombre d’observateurs, n’augure rien de bon pour l’économie du pays. "Les conséquences de cette décision risquent d’être dramatiques pour l’Argentine, assure Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l'Iris (Institut des relations internationales et stratégiques), à FRANCE 24. Si le pays est en effet contraint de rembourser l’intégralité de sa dette auprès de ces derniers créanciers, il sera alors dans l’obligation de régler la totalité de ses dettes auprès de la majorité des créanciers qui avaient jusque-là accepté le principe de restructuration en effaçant une partie de leurs créances, au nom du principe de pari passu". Une clause juridique qui contraint un émetteur de titres de créances à offrir à ses différents prêteurs les mêmes garanties.

"L’Argentine n’aurait plus alors à s’acquitter de la somme de 1,47 milliard de dollars, ce qu’elle peut très facilement régler par ailleurs, mais de 30 milliards de dollars, un montant qu’aucun pays ne peut honorer dans un court délai", surenchérit Luis Miotti, maître de conférence à l’Université Paris-Nord à FRANCE 24. "Une telle situation financière risque de mener le pays vers une troisième faillite semblable à ce qu’il a déjà connu en 1982 et 2011". Si l’Argentine ne peut pas payer, elle devra se déclarer de nouveau en défaut de paiement.

La fin des plans de restructuration ?

Autre conséquence désastreuse, cette décision pourrait encourager d'autres investisseurs privés à refuser à l'avenir tout effacement de créances, au risque de compromettre des restructurations de dettes cruciales pour des pays en difficulté financière, comme la Grèce au printemps 2012.

De nouvelles tentatives de conciliations devraient avoir lieu dans les jours prochains entre le gouvernement argentin et les créanciers américains. "Mais les espoirs argentins visant à assainir sa situation financière restent maigres, confie Luis Miotti. Les responsables politiques sont démunis par rapport à ces décisions juridiques. Les "amicus curiae", recours amicaux de soutien à Buenos Aires, présentés par Barack Obama n’ont jamais porté devant la justice américaine."

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