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Majd Jadaan, belle-sœur de Bachar al-Assad, devenue une farouche opposante

Issue d’une famille d’opposants au clan Assad, Majd Jadaan, désormais exilée en Jordanie, milite pour une transition politique en Syrie. Portrait.

Au début du mois de juin, non loin de l’ambassade de Syrie à Amman, en Jordanie, un groupe d’activistes manifeste contre le nouveau mandat du président Bachar al-Assad. Lunettes noires, drapeau étoilé autour du coup, Majd brandit une pancarte sur laquelle on peut lire "No".

Femme d’affaires d’une soixantaine d’années, issue de la bourgeoisie sunnite syrienne, Majd Jadaan est une opposante convaincue. Pourtant, son histoire familiale l’a menée au cœur du pouvoir syrien. Sa sœur Manal est en effet l’épouse de Maher al-Assad, frère du président syrien.

Le jour de leur mariage, le 10 mars 2003, restera gravé dans sa mémoire. Au déjeuner, Majd se querelle avec Bachar al-Assad à propos d’un sujet anodin. Elle maintient que "les matériaux modernes dans l’architecture sont plus performants que les produits naturels". Le président syrien, lui, affirme le contraire. Puis, excédé par son aplomb, Bachar al-Assad s’empare d’un couteau et le brandit sous le visage de l’impertinente. Asma, sa femme, s’en saisit doucement et le repose sur la table.

"Il se croit très intelligent mais il est entouré de gens qui ne vont que dans son sens. Eux aussi sont coupables car ils l’entretiennent dans l’illusion qu’il prend les bonnes décisions", raconte amèrement Majd Jadaan.

"Bachar est le visage présentable, Maher est la face répressive"

Rien ne la prédisposait pourtant à évoluer dans ce milieu. Son père, Taoufik Jadaan appartient à la classe dirigeante, quand, en 1971, Hafez al-Assad, père de l’actuel président, prend le pouvoir par un coup d’État. Alors qu’un régime autoritaire est établi, Taoufik Jadaan rejoint l’opposition. Pourchassé, il gagne l’Arabie saoudite, puis le Royaume-Uni où il fait fortune dans la finance.

À Londres, où elle vit avec son père, Majd poursuit des études afin de devenir architecte d’intérieur. À son contact, elle se forge une conscience politique : "Il me parlait souvent de la Syrie et de son combat politique".

Mais l’histoire connaît des rebondissements étonnants. En 1984, sa sœur Manal rencontre Maher al-Assad, via des amis communs. Alors que Majd et son père s’opposent fermement à cette idylle, sa mère et son frère l’encouragent. Au début des années 1990, malgré les discordes, la famille Jadaan est autorisée à revenir en Syrie. Et, vingt ans après la première rencontre entre sa sœur et Maher al-Assad, Majd finit par accepter cette union, célébrée en 2003. Dix jours plus tard, son père meurt foudroyé par une crise cardiaque.

Durant cette période Majd a côtoyé de près le clan au pouvoir. Pour elle, "Bachar est le visage présentable, la figure civile du régime tandis que Maher en est la face sécuritaire et répressive".

"Pas possible de reconstruire la Syrie avec les Assad"

Depuis 2011, Maher al-Assad est en effet sous le coup de sanctions de l’Union européenne qui le présente comme "le principal maître d'œuvre de la répression contre les manifestants". Pour Majd, c’est un homme irritable, retors et autoritaire. "Il est comme son père Hafez : il sait détruire, il sait tuer puis mentir pour paraître innocent", s’insurge-t-elle.

En 2001, elle découvre leur vraie nature lorsqu’elle décide de fonder une école privée. Une loi est alors adoptée pour l’autoriser à créer son établissement mais la procédure viserait surtout à la piéger : "Sur une page je tombais sous le coup de la loi et sur la suivante j’étais dans la légalité." Dès lors, elle se trouve à la merci des Assad. À tout moment ils peuvent décider de la mettre hors-la-loi.

"Tout est comme ça en Syrie, ils font la loi pour qu’elle les serve eux. Ils ne travaillent pas pour le développement du pays". Inévitablement ses relations avec les frères Assad se dégradent. En 2008, elle fuit vers les États-Unis. Après le début de la guerre civile en 2011, les divergences familiales s’accentuent. Aujourd’hui, Majd a rompu tout contact avec sa sœur.

Installée depuis près d’un an en Jordanie, elle milite aujourd’hui dans l’opposition syrienne et croit en la victoire de la rébellion sur le régime. "Nous avons déjà gagné. Il ne sera pas possible de reconstruire la Syrie avec les Assad. Trop de meurtres, trop de massacres."