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Petro Porochenko, le roi du chocolat élu à la présidence ukrainienne

Le milliardaire Petro Porochenko, partisan des manifestants de la place Maïdan, a remporté la présidentielle ukrainienne dès le premier tour. L'homme hérite d'une tâche immense : mettre fin à la crise qui divise son pays. Portrait.

"Je ne laisserai personne transformer l'est de l'Ukraine en Somalie", a assené Petro Porochenko, le tout nouveau président de l'Ukraine au lendemain de l'élection présidentielle, alors que des affrontements se poursuivent entre l'armée ukrainienne et les insurgés pro-russes.

La solution à la crise ukrainienne viendrait-elle de cet homme d’affaires de 48 ans qui a su se tailler, en quelques mois, un costume d’homme providentiel ? Les Ukrainiens veulent y croire. Au début de la campagne, l’homme ne semblait pourtant pas disposer de toutes les cartes pour remporter la présidence.

Un vieux routier de la politique ukrainienne

Depuis 20 ans, ce briscard de la politique n’a eu de cesse de changer de camps au gré des opportunités. Après ses premiers pas à la Rada (parlement ukrainien) en 1998 comme député et membre du Parti social-démocrate d'Ukraine (parti proche du président d’alors Leonid Koutchma), l’ambitieux n’a pas tardé à créer Solidarité en 2000, un mouvement indépendant de centre-gauche avant de se rallier au Parti des régions, parti de centre droit, en 2001. En décembre de la même année, Petro Porochenko est devenu le chef de campagne de Viktor Iouchtchenko au sein de la coalition d'opposition Notre Ukraine.

À la tête de plusieurs administrations stratégiques dans les années 2000, puis ministre des Affaires étrangères, sous la présidence du leader de la révolution orange Viktor Iouchtchenko, Petro Porochenko obtiendra plus tard les ministères de l'Économie sous Viktor Ianoukovitch, le président pro-russe destitué en février 2014.

Un parcours chaotique que d’aucuns pourraient taxer d'opportuniste. Mais Petro Porochenko a su faire de cette faiblesse une force. Nombre d’observateurs, à l’instar de l'intellectuel ukrainien Oleksiy Panych, voient plutôt dans cette sinueuse carrière politique l’expression d’une expérience solidement ancrée au cœur d’un système qu’il faut savoir maîtriser de l’intérieur par temps de crise.

Un "Willy Wonka" milliardaire

Mais c’est incontestablement la réussite du milliardaire qui a séduit les Ukrainiens. Le businessman, dont la fortune est estimée par le magazine "Forbes" à 1,6 milliard de dollars, est aux commandes du groupe Roshen, un empire qui fait la fierté de la nation. L’homme politique n’a d’ailleurs pas hésité à communiquer durant la campagne électorale sur les conditions avantageuses des employés de ses usines, rémunérés 7 000 grivnas, 435 euros, soit deux fois le salaire moyen en Ukraine, pour mettre en avant ses qualités de gestionnaire.

Un précieux argument de campagne pour ce self-made man, parti d’Odessa, sa ville natale, avec un simple diplôme d’économie en poche. De ses premières sociétés de conseil jusqu’à l’importation de fèves de cacao, l’homme d’affaire a constitué au fil des années un groupe aussi grand que diversifié dans la confiserie, l’automobile, la construction navale et les médias.

À ce titre, sa chaîne de télévision Canal 5, lui a été fort utile pour briguer la présidence du pays. L’homme n’a pas hésité à utiliser ce redoutable outil de propagande pour diffuser à sa guise ses clips de campagnes et messages destinés à servir ses intérêts politiques.

Homme d’affaires accompli, il a été l’un des premiers à prendre ouvertement fait et cause pour les contestataires de la place Maïdan. Pure conviction idéologique ? Pas seulement, car ses entreprises, Roshen en tête, ont subi de plein fouet les pressions commerciales russes visant à faire capoter les négociations de libre-échange entre l’Ukraine et l’Union européenne (dont l’échec a provoqué les manifestations de Maïdan). Aujourd’hui, le cinquième président de l'Ukraine indépendante va devoir se poser en homme de compromis pour défendre les intérêts de toute une nation déchirée. Vaste entreprise.